Cet
article est long. Ceux qui n’aiment pas trop l’histoire passeront leur chemin (et ils ne me vexeront pas!).
Mais j’ai cru bon de faire un résumé de cette aventure historique que j’ai
trouvé passionnante à partir de ce que me raconte le clergé diocésain et de
quelques lectures diverses.
De la Genèse au 15e siècle
Pour parler de l’histoire de notre colline sainte
de Malandji, il faut convoquer tant l’histoire
lointaine qui se décline avec la colonisation de l’Afrique, que l’histoire plus
récente qui résonne davantage avec quelques soubresauts douloureux de
l’histoire propre au pays et à son Eglise.
Mais montons jusqu’à la Genèse et à son principal
protagoniste. Dieu se dit en ciluba Mvidi Mukulu. Or notre colline s’appelle
Malandji Makulu. J’avais senti la parenté entre Mukulu et Makulu, j’ai voulu y
voir de plus près, mais c’est compliqué ! (Dieu) Mvidi Mukulu (on utilise
un autre mot dans les autres régions du Congo) désigne l’esprit divin qui est
avant, au-dessus et au-delà de tout ce qu’il a créé. Il s’agit en fait du
Créateur-Eternel-Ancien-et-Surplombant-tout. Je suis assez d’accord. Alors si
on emploie le même adjectif pour désigner notre colline, cela veut dire qu’elle
a le prestige d’être pleine d’ancienneté et d’une aura de sainteté :
Malandji est Makulu et sans doute participe-t-elle un peu du Mukulu de Dieu.
Voilà qui en impose. C’est une ancienne et sainte colline.
Faisons maintenant un saut de la Genèse au 15e
siècle. Mandaté par son roi portugais pour aller voir ce qui se passe le plus
bas possible de la côte africaine, le navigateur Diogo Câo fait ce qu’il doit
faire, courageusement, ayant toujours les palmiers de la côte en vue. Un jour pourtant,
dans un étonnant brouillard vaporeux qui l’empêche de bien voir, il se trouve
comme poussé vers la haute mer par une force incroyable. Mais il est tenace et
s’aperçoit qu’en fait il vient de découvrir l’embouchure d’un des plus grands
fleuves du monde, le Congo. Nous sommes en 1483, c’est une date dans l’histoire
du pays.
Le fleuve Congo à son embouchure sur l'Océan Atlantique Sud
Dans les environs et plus bas les Portugais
sèmeront des comptoirs qui deviendront, plus tard lorsqu’on aura pénétré à
l’intérieur des terres, leur colonie de l’Angola. Le Bas-Congo et le Kasaï sont
limitrophes de l’Angola et les frontières ont déchiré des ethnies qui les
utilisent comme passoires (On raconte qu’il n’y a pas si longtemps un village
congolais frontalier a hissé un drapeau angolais lors de la visite du président
congolais ; les chefs étaient allés au village voisin emprunter un drapeau
parce qu’ils n’en avaient pas chez eux !) . Il semble que le nom de
Malandji vient d’une toponymie portugaise angolaise « Malange » qui
aurait été biaisée en Malandji ; on verra comment.
Au 19e siècle
Un pas de plus encore du 15e à la
seconde moitié du 19e siècle pour voir débarquer les vrais
explorateurs de l’intérieur de l’Afrique. Car on connaît désormais bien les
rivages de l’Afrique mais très mal l’intérieur du pays et un des enjeux est de
faire la jonction entre les comptoirs de l’Océan Indien et ceux de l’Océan
Atlantique ; par exemple pour les Portugais entre les comptoirs du
Mozambique et ceux de l’Angola.
L'océan à l'embouchure du fleuve Congo,
devant: quelques aventuriers,
derrière : la côte angolaise.
C’est ici qu’entre en scène un aventurier
journaliste, Henry M. Stanley qui depuis l’est de l’Afrique part sur les traces
d’un missionnaire britannique égaré, le fameux présummé Livingstone. Mais c’est
par la rencontre de Stanley avec le roi des Belges, Léopold II, un Prussien
Saxe-Cobourg, que le Congo, d’abord le fleuve puis toute la région va sortir
des brumes de l’histoire. Léopold II est très riche, très diplomate, très
ambitieux et très téméraire. Un vrai aventurier à couronne qui aurait pu donner
un empereur s’il n’avait régné sur un peuple un peu chétif au cœur de
l’Europe : la Belgique. Ce pays ne suffit manifestement pas aux ambitions
du roi qui lorgne vers l’Afrique et pour des prétextes anti-esclavagistes
(contre la traite arabe), se fait nommer, non sans arrière-pensées, à la tête
de l’Association internationale pour la protection de l’Afrique centrale. Quand
on a un pied sur le terrain…
Stanley qui s’est fait éconduire comme un
malpropre par la cour d’Angleterre (notamment) est approché par Léopold qui lui
demande de faire la jonction entre l’est et l’ouest sur les fleuves de
l’Afrique centrale qu’on connaît si mal (on cherche toujours la source du
Nil !). Sitôt dit sitôt fait ; et quand, en 1877, Stanley s’endort
sous un baobab à Boma dans le Bas-Congo, (arbre que j’ai vu et que tous les
écoliers de la ville doivent visiter), cette jonction est faite, ce qui n’était
pas évident car la haute partie du fleuve et le bas sont séparés par une
barrière naturelle de cataractes qui gênait la compréhension de la géographie.
On connaît désormais en gros tout le cours de ce fleuve immense et ce n’est pas
rien, et cela aiguise les appétits de toute une faune d’aventuriers
occidentaux. Nous sommes en gros vers 1880.
Le grand port fluvial de Matadi dans le Bas-Congo,
juste en aval de la barrière des Cataractes.
Pendant ce temps, rappelons-nous qu’il y a tout
de même des indigènes dans la région et il vaut la peine de parler d’eux, car
ils bougent et notamment au Kasaï. Là un beau jour (dans le 19e
siècle) un chef coutumier du nom de Luananda alias Muamba Mputu fait un
rêve : un nouvel âge d’or va se lever sur le pays par la rencontre avec
des hommes blanchis, des ancêtres morts revenus. Pour hâter l’événement, il
faut jeter les fétiches, ce qui fut promptement fait. Un peu plus tard, vers
1870-75, un chef de la région de Kananga, Mukenge, va à la chasse et, suite à
un coup de tonnerre rencontre un confrère noir sur un éléphant mort, congénère
qui lui explique qu’il a tué l’éléphant grâce au bâton à feu que voilà (le
fusil), qui lui a été donné par des gens de l’ouest (vers l’Angola) contre de
l’ivoire. Comme Mukenge est ambitieux et qu’en même temps il veut se prémunir
contre les razzias arabes de l’est, il veut vraiment ces bâtons magiques et les
obtient grâce à Saturno, un marchand-trafiquant portugais qui tient le poste
angolais le plus avancé à l’intérieur des terres. Son accès au fusil asseoit
bien sûr la réputation de Mukenge sur ses voisins et il devient le Grand chef
de la région, il porte désormais le nom de Kalamba.
Nous sommes à l’époque où l’on croise dans ces
savanes de l’Afrique centrale toute sortes d’aventuriers de toutes sortes de
pays : des portugais, des français, des allemands, des anglais. C’est la
ruée mais le continent est très vaste… Un jour, vers 1880, Kalamba voit arriver
dans la plaine herbue deux Blancs qui parlent allemand. Il les invite chez-lui
et après cela, et non sans arrière-pensées, raconte partout que le rêve de
l’ancien Luananda s’est réalisé, que les ancêtres blanchis sont revenus et que
l’âge d’or va commencer. Il est fin, le monsieur. Toujours est-il que les Allemands
partent puis reviennent et se lient avec ce roi local et que dans leur carnet
on peut lire les premières incompréhensions culinaires entre ces peuples. Les
Africains voulant honorer leurs hôtes ne leur servent que leur nourriture noble
(leur foufou, qui me nourrit encore aujourd’hui), gardent pour eux légumes et
fruits commes indignes, tandis que les Allemands notent qu’ils en ont marre de
ne manger rien d’autre que du foufou, et que la nourriture africaine est d’une
indigence !… Les explorateurs voient que ce roi est riche qu’il domine
largement la région qui borde la rivière Lulua, qu’il a de grands champs et de
nombreuses vaches et qu’il vaut certainement la peine de s’établir dans le
coin. Ils demandent une place, signent un pacte de fraternité (en buvant le
sang réciproque) et obtiennent une colline : notre Malandji !
En 1882, un des deux explorateurs, Wissmann,
établit sur la colline un poste fortifié qu’il nomme Luluabourg, Lulua pour le fleuve en contre bas et bourg comme le burg, le fortin en allemand (on a hissé le drapeau allemand). Par
contre, leurs transporteurs angolais donnent à la colline le nom de leur
village d’origine Malange, Malandji.
Depuis Malandji, Wissmann continue l’exploration
de la région par le fleuve. En pirogues dans des conditions incroyables, il
réussit à descendre la Lulua, puis le fleuve Kasaï, puis le Kongo, jusqu’au
village de Ngobila, future Léopoldville, future Kinshasa.
C’est ici qu’intervient Léopold II, mais il nous
faut rentrer en Europe, plus particulièrement à Berlin où se tient la
Conférence de 1885. Dans le projet, à la base assez noble, d’éviter de se faire
la guerre partout dans le monde, les Européens, comme des Barbares malpropres,
se partage un gâteau noir qui n’était pas à eux… Dans les salons berlinois,
Léopold, roi des Belges, est à l’affut et, subtilement, il obtient la gestion
personnelle du Congo, comme territoire de statut international et fonde comme
monarque personnel l’Etat indépendant du Congo dont la capitale est Vivi dans
le Bas-Congo, puis Boma en 1886. Grâce à la Conférence de Berlin, les Belges
sont désormais là.
De 1885 à 1891
La Conférence de Berlin a eu une conséquence
fâcheuse pour les Allemands de la colline de Luluabourg-Malandji. Bismarck les
a lâchés et avec eux le Kasaï, non sans compensations. L’explorateur Wissmann
va ronger son amertume comme gouverneur du Tanganika allemand (en future
Tanzanie), mais avant de partir, il en profite pour pourrir un peu la situation
politique en intoxiquant le roi Mukenge contre les Belges qui vont débarquer
dans la région.
Pour le moment, la colline reste habitée et
occupée par un ramassis hétéroclites d’explorateurs. Il y avait même des
Américains missionnaires protestants et parmi eux, un Suisse, Heli Chatelain,
qui écrira une grammaire de la langue locale où il se montre, dans la préface,
peu optimiste sur l’avenir de la mission américaine. A cette époque, Luluabourg
est vraiment le poste le plus avancé des blancs à l’intérieur des terres
« congolaises ».
Les Belges avec leur administration (au nom
personnel de Léopold) arrivent au Kasaï. Ailleurs dans le pays, ils ont marqué
des points dans le domaine de la civilisation (chemin de fer de
Matadi-Léopoldville) mais aussi de la barbarie : pour éviter la faillite
économique, Léopold doit pressurer le pays et brutaliser ses habitants (un peu
plus tard nous aurons la triste affaire des mains coupées : punition des
récolteurs de caoutchouc lorsqu’ils n’en prélevaient pas suffisamment).
C’est dans ce contexte que, en 1887, le chef
Mukenge-Kalamba demande le baptême catholique pour lui et son peuple, en
signant d’une croix une lettre qui part en Europe. Il faudra trois ans pour que
la réponse arrive sous la forme d’un prêtre scheutiste en l’année 1891.
Quelques temps auparavant en 1862, à Bruxelles,
dans le quartier (à coloration flamande) de Scheut, un prêtre belge, Théophile
Verbist, fonde une congrégation de missionnaires pour l’évangélisation de la
Chine, vers laquelle Léopold lorgnait. De son côté, le Vatican est intéressé à
l’évangélisation de l’Afrique centrale et les congrégations missionnaires (les
spiritains, les pères blancs…) sont dans les starting-block. Et comme c’est là
que Léopold II est en train de poser les pieds, il traite avec Rome et obtient
l’exclusivité du Congo ou en tout cas du Kasaï, à la congrégation des
Scheutistes qui iront en Chine (en Mongolie intérieure) mais aussi à
Luluabourg.
Arrive donc à Malandji le Père Emery Cambier, un
scheutiste wallon. Il est fatigué, car il a dû s’armer de presque deux ans de
patience pour aboutir à ce résultat, après bien des échecs de voyages (comme
quoi, rien de nouveau sous le soleil, pensé-je en moi-même !). Il est en
pleine santé et enthousiate mais seul, car ses confrères se sont éparpillés
volontairement ou involontairement sur le chemin entre Léopoldville et Luebo,
port fluvial et premier poste du Kasaï en arrivant de la
« capitale ». L’accueil à Malandji est inexistant, sauf de la part de
missionnaires américains présents dans le bourg.
l'arrivée sur la colline aujourd'hui
au temps du Père Cambier,
pas de clocher mais des bâtiments coloniaux
Les autorités belges,
sceptiques anticléricaux et peut-être francs-maçons, ne s’occupent de ce compatriote
missionnaire qui s’en trouve un peu dépité. Ce dernier marche alors jusqu’au
village de Kalamba qu’il a mission de baptiser.
Mais le roi, suite à quelques ennuis politiques,
s’est enfui en brousse avec une partie de son peuple, a laissé son village
royal pour des habitations pauvres et provisoires dans la forêt et le P.
Cambier a de la peine à le trouver et ici se situe un épisode proche du film
« Mission ». S’approchant du village de fortune mais ne connaissant
pas la langue, le Père Cambier sort son ocarina et apprivoise les gens par sa
musique. Il réussit par gestes et traductions diverses à se faire comprendre et
à se présenter comme l’envoyé d’Europe pour le baptême demandé trois ans plus
tôt. Il rencontre le roi qui lui fait forte impression par son air de vieux
sage à la barbe blanchie et au regard profond.
On raconte que la rencontre entre les deux hommes
eut lieu au milieu de pleurs d’émotion et de joie. Le roi lui indique la
colline de Mikalayi, à 12 km de la colline de Malandji, c’est là qu’il pose sa
case et célèbre la messe le 8 décembre 1891, date de la patronale de sa
Congrégation de l’Immaculé Cœur de Marie CICM (scheutistes) : Mikalayi est
actuellement une petite ville où se trouve la cathédrale du diocèse (à Kananga,
on a érigé une pro-cathédrale qui doit céder la préséance à la cathédrale de
Mikalayi à 30 km de là !).
Le 8 décembre 1891 est donc considéré
comme la date de la fondation de l’Eglise catholique du Kasaï. La colline de
Malandji a joué un rôle central comme tête de pont entre indigènes et
expatriés, même si ceux de notre colline étaient plutôt des mécréants. Comme
quoi l’histoire n’est jamais toute blanche ou toute noire (c’est le cas de le
dire !) mais assez grise.
De 1891 à
1950
Dès l’arrivée du premier missionnaire scheutiste
et le baptême du roi local, les choses se développent au point de vue religieux
mais se dégradent au point de vue politique. Autour de 1893-94, une guerre
éclate inévitablement entre les Belges et le roi Kalamba dont les premiers
avaient pillé le village royal. Le Père Cambier prend le parti de la Belgique
et on raconte qu’à Mikalayi, il a repoussé à feux ouverts une attaque de son
roi néophyte ou de son neveu successeur. Kalamba ira de défaites en défaite
avant de mourir à l’autre bout du Kasaï…
Entre temps, le site de Luluabourg-Malandji se
développe et commence à être connu plus loin que la région. C’est grâce à
Luluabourg comme poste avancé que la riche région du sud-est congolais, le
Katanga, a pu être colonisée par les Belges contre les avancées de Cécil
Rhodes, qui en « Rhodésie » anglaise (la Zambie et le Zimbabue
actuels) lorgnait sur ce territoire aurifère et diamantifère.
La ville subsiste lorsque d’autres postes se
développent au Kasaï (Kabinda, Luebo, Lusambo). C’est le chemin de fer qui
signera le déclin politico-économique de la colline de Malandji. En 1924, une
ligne va relier Elisabethville (Lubumbashi) au Katanga et Illebo sur le fleuve
(navigable vers Léopoldville-Kinshasa). Elle passe à 12 km de la colline de
Malandji, près du petit village de Kananga, qui attire les commerçants et se
développe au détriment de Malandji. On inclut alors Kananga dans le territoire
administratif de Luluabourg.
Résumé : on se
trouve donc avec une capitale administative (la colline de Malandji) une
capitale économique (Kananga) et une capitale religieuse, Mikalayi. Mais
l’économie primant, en 1950, Luluabourg-Malandji peut être considérée comme
morte, elle a cédé le pas à la grande capitale régionale de Kananga.
Les
renaissances de Malandji (de 1963 à 2012)
L’artisan de la renaissance religieuse de
Malandji Makulu (l’Ancienne Malandji, puisque la nouvelle, c’est Kananga) est
Mgr Martin Bakole wa Ilunga, premier évêque noir du diocèse, dont la
personnalité flamboyante, profonde et très kasaïenne s’était faite remarquée
lors de la visite du pape Jean-Paul II à Kinshasa en 1980, pour le centenaire
de la première évangélisation du Congo (alors le Zaïre de Mobutu).
Ce centenaire de 1980 va en amener un autre celui
de l’évangélisation du Kasaï en 1991. L’idée de fêter l’événement à Malandji a
dû trotter longtemps dans la tête de Mgr Bakole, puisque certains prêtres
anciens du diocèse se souviennent avoir participé à un pèlerinage à Malandji en
1963, organisé par le jeune Mgr Bakole, alors vicaire général. Mais sur le
site, les pèlerins n’avaient trouvé que quelques vieilles briques rappelant à
grand peine le souvenir d’une gloire disparue… Ce pèlerinage n’eut pas de suite
directe.
Mais, une fois devenu évêque, Mgr Bakole va
mettre dans ses priorités pastorales la célébration du cententaire de 1991,
témoin de la maturité de l’Eglise locale. Dès 1985, c’était un thème de
prédilection dans le diocèse. Pour cette célébration, le choix de la colline de
Malandji, avec son poids historique et sa localisation à mi-chemin des deux
cathédrales du diocèse devient une évidence. Un comité d’organisation travaille
sous le patronage de l’évêque et son coordinateur, l’abbé Gustave Tshilumba,
entreprend, entre 88 et 91, les différentes constructions qui existent
maintenant sur le site : le clocher et le petit sanctuaire de ND du Kasaï,
ainsi que l’église presqu’achevée et la maison d’accueil (où des prêtres
recevraient des pèlerins), qui elle aussi n’a pas pu pour des raisons
financières être complètement finie.
Le sanctuaire et l'église de la Colline
Des pèlerinages de préparation ont eu lieu à
Malandji dès 1989, et les célébrations du Centenaire, le 8 décembre 1991, ont
amené à Malandji, pour une messe sur le parvis de l’église, les huit archevêque
et évêques du Kasaï et un grand concours de peuple. Un incident pittoresque a
émaillé l’eucharistie : Lors de l’homélie, Mgr Bakole demande à voix
forte : « Et que la cloche sonne ! » mais la cloche s’est
tue. Encore une fois, mais la cloche du clocher reste muette. La corde s’était
malencontreusement enroulée autour de la cloche du clocher et l’a bloquée. On
est monté en escalade réparer et la cloche a sonné pendant l’offertoire. Mieux
tard que jamais…
Lors de la célébration jubilaire, les diocèses du
Kasaï ont pris l’engagement de faire de la colline de Malandji un pôle
spirituel d’une Eglise qui, à plus de 100 ans vit une maturité dynamique.
L’abbé Tshilumba, le bâtisseur du site est nommé recteur et s’établit donc dans
la maison d’accueil qui doit être achevée. Des pèlerinages sont organisés
chaque année et dans cette dynamique, une communauté de bénédictins d’origine
allemande avec un moine haïtien à sa tête et des aspirants locaux, fonde un
monastère au bord de la Lulua dans le bas de la
colline… Mais le ciel va tomber sur la tête de Malandji.
En 1998, le Congo est en guerre sur les ruines du
régime défunt de Mobutu. Des troupes, affluent de l’Est installer un nouveau
président à Kinshasa, et les soldats mobutistes en se repliant ravagent le
pays ; Kananga est pillée et mise à sac, d’abord par le fait des
militaires puis par les exactions d’une population déboussolée. Plus à l’ouest,
c’est ensuite au tour de la colline de passer à la casserole dans les mêmes
conditions. Le prêtre recteur du haut doit s’enfuir et laisser les lieux aux pilleurs ;
le dernier moine du bas, le père haïtien Joseph Hilaire, tente de résister mais
doit lâcher prise… C’est la déroute de Malandji, comme une nouvelle mort.
Mais la colline peut renaître. En 2005, l’évêque
auxiliaire du diocèse, qui deviendra l’actuel archevêque Mgr Marcel Madila, se préoccupe de la
pastorale des jeunes et, en lien avec une dynamique qui existe dans toute
l’Eglise, instaure à Malandji le pèlerinage des Jeunes du jour des Rameaux.
Deux pèlerinages amènent donc actuellement un
beau rassemblement de fidèles sur la colline dédiée à Notre-Dame du
Kasaï : le pèlerinage diocésain du 8 décembre pour la patronale de
l’Immaculée Conception et le grand Rassemblement des jeunes le jour des
Rameaux.
Un recteur
anime le sanctuaire et a la charge pastorale des fidèles des flancs de
la colline. C’est, à notre arrivée, l’abbé Pascal, que nous avons rencontré dès
notre installation à Kananga. Mais il est parti pour une autre affectation
après l’établissement de notre communauté dans les bâtiments qui sont restaurés
(progressivement) par Mgr l’archevêque, grâce au fonds missionnaire de l’Abbaye
de Saint-Maurice.
En plus de la charge pastorale, le recteur de
Malandji assurait aussi quelques messes dans la semaine au couvent des
bénédictines qui se trouve à un kilomètre plus bas, dans le gigantesque
monastère qu’avaient projeté les bénédictins et que les aléas de l’histoire ont
laissé à l’état d’ébauche, une ébauche qui a malgré tout une certaine allure.
Ces sœurs qui ont été chapeautées pendant le temps de fondation par une
communauté de Florence (Italie) sont des semi-cloîtrées diocésaines. Pour la
première fois depuis leur établissement, six d’entres elles ont émis leurs vœux
entre les mains de l’archevêque. C’était le 9 mars dernier (2012), le lendemain
de notre arrivée à Kananga.
L’établissement de notre communauté canoniale
(CASM, communauté des augustiniens missionnaires de Saint-Maurice) sur la
colline de Malandji devrait pouvoir faire de ce lieu, chargé d’histoire et de
beauté, un espace de pèlerinage, de prière et de ressourcement. Nous nous y
attelons avec enthousiasme et humilité.