vendredi 6 avril 2012

Réflexions sur l’insécurité

Kananga. Dans la foulée des élections présidentielles de novembre qui se sont mal passées (ni vérité, ni justice, ont dit les évêques), une religieuse, sœur de la charité, a été poignardée à mort par un inconnu dans le lycée de sa congrégation (Lycée de la Fraternité - sic) où elle était caissière. Depuis l’enquête piétine et à cause de ses implications politiques risque de piétiner jusqu’à la consommation des siècles… Le lycée est fermé jusqu’à nouvel avis, ce qui fut fâcheux pour les parents des élèves, surtout que les dits-parents sont pour beaucoup des notables de la ville et des impliqués dans la politique. Mais, pour des raisons éthiques et pour bien marquer le coup malgré les pressions, l’archevêque et la supérieure générale (j’ai eu le privilège de parler de cela avec chacun des deux) tiennent bon sur cette décision…
Il y a une insécurité dans cette ville et dans ce pays, mais personnellement je ne la sens pas puisque je n’y vis pas depuis assez longtemps. Car le sentiment d’insécurité, réel ou imaginaire, se fonde surtout sur un état d’esprit et s’y insinue progressivement.
L’autre jour, j’étais devant la maison et je me préparais pour mon cours de tshiluba avec Sr Marguerite… La sœur arrivait à pied au bout du jardin et se fait brusquement dépasser par une moto, vrombissante, avec un jeune en chemise blanche qui en descend avec énergie et demande à me voir ; ce n’était rien de grave, simplement un jeune peintre qui venait se présenter pour que, comme promis à son adjoint la veille, je n’oublie pas de lui acheter une peinture quand je repartirai en Europe. Promis. La sœur arrive apeurée : alors que je m’éloigne déjà, elle demande au jeune qui il est, lui dit qu’on n’entre pas dans les concessions comme cela…  Elle m’a avoué plus tard (elle qui, bien que fort sensible, en a déjà vu de toutes sortes et ne s’en laisse plus conter) qu’elle avait cru que c’était un des jeunes motards qui sèment la terreur en ville et que je devais être plus prudent dans mes relations. Ce n’était en fait qu’un peintre sur soie… Mais l’insécurité est là, dans les rues et surtout dans l’esprit des gens.
Hier soir , j’ai dévié une conversation avec Joseph là-dessus. Il m’a dit qu’effectivement, il y avait eu dans la ville des disparitions et enlèvements inexpliqués d’opposants (Kananga est le fief de l’opposition au gouvernement central). 
D’ailleurs cela a des implications même liturgiques, un vicaire de paroisse nous avait dit que depuis peu, on ne veillait plus la nuit du Jeudi au Vendredi Saints, que les groupes paroissiaux ne se relayaient plus à l’église comme dans le temps. A cause de l’insécurité nocturne. Ce qu’a vécu Jésus au Jardin des oliviers a un vrai écho ici…

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