dimanche 1 avril 2012

Vivre avec les bêtes féroces

Je viens de me coltiner ma petite grippe habituelle et périodique qui m’a rejoint même ici en Afrique. J’en suis rétabli ; j’ai décidé de ne parler de mes petites maladies qu’après la guérison pour ne pas alarmer inutilement Denise à Dax et Hélène au Trétien.
Donc une petite grippe. Cela a commencé le jour des fourmis rouges (voir article boire et manger), lorsqu’au soir on évoquait ce repas avec les frères. Joseph m’a dit : « Tu aurais dû mieux mâcher, mais c’est vrai que vous les Européens vous n’avez pas les mêmes sortes de dents que nous. » C’est à ce moment-là que j’ai senti un fourmillement dans l’œsophage. Ce n’était pas les fourmis avalées à midi, mais un virus qui me grattouillait, m’invitait à vômir sans que ce soit possible… Puis maux de gorges, puis rhume... Mais maintenant je m’en tire bien, grâce aux dafalgans d’André et au miel des sœurs du Thabor…
Cela me donne à réfléchir sur les bêtes féroces de l’Afrique. En fait il y a un malentendu fondamental en Europe à ce sujet. Les bêtes sont d’autant plus féroces, ici, qu’elles sont plus petites. En nombre et en nocuité, les guépards, les lions et les rhinocéros, ce n’est rien par rapport aux bactéries et virus (tellement petits qu’on se demande si ce sont des bêtes), par rapport aux moustiques, aux tsé-tsés, aux tiques, aux araignées (il n'y en a pas trop) aux blattes, aux escarbots (oui, -bots) et scolopandres, dont les noms seuls font tellement peur qu’on ne sait plus les orthographier et qui sont prompts à vous faire vômir votre sang, votre bile et votre sueur pendant quelques jours (ou pour toujours !)… Vraiment dangereux, bien plus que les boas.
On n’a rien compris à l’Afrique si l’on n’a pas compris qu’ici le véritable safari ne se fait pas dans la savane mais dans sa chambre.
Lorsqu’on a désigné la mienne au Thabor, Nicolas et sœur Chantal sont d’abord entrés avec un long bâton et ont chassé du mur un gros gécko vert qui n’a pas demandé son reste en filant dans un trou du plafond. Depuis je surveille cette ouverture, mais d’un œil nonchalant, parce qu’un lézard c’est gros par rapport aux insectes qui sont de vraies bêtes sauvages. Je me souviens que dans ma chambre à Boma, chez le Père Innocent, j’ai voulu photographier un petit lézard de 4 cm dont le vert clair s’harmonisait avec le bleu passé du mur et le blanc de la porte. L’animal a, semble-t-il, été pulvérisé par le flash, parce qu’il avait disparu droit après celui-ci et n’est resté que sur la photo :

Dans le safari de ma chambre, la jeep sécurisée de l’aventurier, c’est mon lit et sa moustiquaire. Quand j’ai réussi à m’y introduire sans emmener avec moi une autre bête, je suis plus ou moins tranquille. J’entends des rugissements d’insectes autour mais je pense (et j’espère) qu’ils sont dehors et veulent entrer, plutôt que dedans voulant sortir avec leur cargaison de sang frais.
Malgré tout il y a aussi des bêtes tranquilles comme des girafes broutant dans les hautes herbes : sur les murs jaune fané de ma chambre je vois quelques petites taches en amandes brunes. Ce sont des insectes anonymes. Ils ne bougent pas, ne m’embêtent pas, donc je ne les embête pas. Quant à les contempler et les photographier…

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