jeudi 7 juin 2012

Une moto, des vélos...


Aller les douze kilomètres de la colline à la ville est une aventure qui s’apparente à faire depuis l’Europe quinze jours de voyage avec l’agence « Découvertes et exotismes » !
L’autre mercredi j’avais affaire en ville. L’assistant pastoral met à ma disposition sa moto et une des sentinelles des sœurs bénédicitines se propose pour la conduire. Nous partons. Trois crevaisons à l’aller et, comme j’ai proposé de changer à mes frais le pneu et la chambre à air en ville, nous n’en avons eu qu’une au retour !
Une crevaison peut être une calamité, à moins de la prendre avec philosophie comme une occasion de découvrir le monde. C’est ce que j’ai fait et je ne le regrette pas car la piste poussiéreuse qui va de la colline à la ville est un monde en soi.
Donc nous crevons. Le chauffeur pousse un peu, pendant que le passager trotte derrière, jusqu’à une case jamais plus éloignée d’un kilomètre, qui propose de réparer les chambres à air abîmées. C’est une industrie ici, car cette route voit surtout passer des vélos et des motos et, vu son état lamentablement pierreux, ce n’est pas de trop d’un réparateur tous les deux kilomètres pour « faire étape »…


Nous nous sommes donc, aller et retour, arrêtés 4 fois trois quarts d’heure sous de grands arbres ombrageux avec chaque fois le même scénario familial : un papa qui prend en charge pour 1000 frc (1frs) la roue déficiente, éventuellement une maman et des petites sœurs qui vendent de l’eau et des bricoles, ainsi que des gamins presque nus qui jouent au milieu du cambouis, des poules et des bassins de maniocs des gens qui s’arrêtent pour souffler un peu. « Restoroute » maigrichon et très sympa. On avance une chaise en plastique pour que le blanc puisse s’asseoir et attendre, regarder et entendre les gens qui s’invectivent par-dessus la route à son propos…



Les piétons passent, surtout des femmes avec de lourdes charges sur la tête. Elles vont chercher aux champs ce qui fait vivre la ville. Les messieurs sont avec leurs vélos. Non pas dessus, car leur énorme chargement ne leur en laisse pas la place. Ils sont à un mètre de leur guidon qu’ils guident avec un bâton et ils poussent comme cela leur monstre à deux roues sur des kilomètres : des sacs de charbons, des bidons, de la nourriture, des tôles, des planches…

Ils passent. Ils me voient et certains sont poètes :
« Eh le blanc, le ballon du moto l’a fui et l’a mort ! » C’est presque un haïku qui veut dire : « le pneu de ta moto a crevé », comme quoi le français de Malandji est tout de même plus poétique que le français français.
Ils passent.  Elles passent. Je les photographie. Je sors la salutation en tshiluba que je connais…
Et comme cela, en majeur et en mineur, avec quelques nuances, pendant quatre étapes. L’agence « découvertes et exotismes » a frappé fort. Géniale. 

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