Aller les
douze kilomètres de la colline à la ville est une aventure qui s’apparente à
faire depuis l’Europe quinze jours de voyage avec l’agence « Découvertes
et exotismes » !
L’autre
mercredi j’avais affaire en ville. L’assistant pastoral met à ma disposition sa
moto et une des sentinelles des sœurs bénédicitines se propose pour la
conduire. Nous partons. Trois crevaisons à l’aller et, comme j’ai proposé de
changer à mes frais le pneu et la chambre à air en ville, nous n’en avons eu
qu’une au retour !
Une
crevaison peut être une calamité, à moins de la prendre avec philosophie comme
une occasion de découvrir le monde. C’est ce que j’ai fait et je ne le regrette
pas car la piste poussiéreuse qui va de la colline à la ville est un monde en
soi.
Donc nous
crevons. Le chauffeur pousse un peu, pendant que le passager trotte derrière,
jusqu’à une case jamais plus éloignée d’un kilomètre, qui propose de réparer
les chambres à air abîmées. C’est une industrie ici, car cette route voit
surtout passer des vélos et des motos et, vu son état lamentablement pierreux,
ce n’est pas de trop d’un réparateur tous les deux kilomètres pour « faire
étape »…
Nous nous
sommes donc, aller et retour, arrêtés 4 fois trois quarts d’heure sous de grands
arbres ombrageux avec chaque fois le même scénario familial : un papa qui
prend en charge pour 1000 frc (1frs) la roue déficiente, éventuellement une
maman et des petites sœurs qui vendent de l’eau et des bricoles, ainsi que des
gamins presque nus qui jouent au milieu du cambouis, des poules et des bassins
de maniocs des gens qui s’arrêtent pour souffler un peu. « Restoroute »
maigrichon et très sympa. On avance une chaise en plastique pour que le blanc
puisse s’asseoir et attendre, regarder et entendre les gens qui s’invectivent
par-dessus la route à son propos…
Les piétons
passent, surtout des femmes avec de lourdes charges sur la tête. Elles vont
chercher aux champs ce qui fait vivre la ville. Les messieurs sont avec leurs
vélos. Non pas dessus, car leur énorme chargement ne leur en laisse pas la
place. Ils sont à un mètre de leur guidon qu’ils guident avec un bâton et ils poussent
comme cela leur monstre à deux roues sur des kilomètres : des sacs de
charbons, des bidons, de la nourriture, des tôles, des planches…
Ils
passent. Ils me voient et certains sont poètes :
« Eh
le blanc, le ballon du moto l’a fui et l’a mort ! » C’est presque un
haïku qui veut dire : « le pneu de ta moto a crevé », comme quoi
le français de Malandji est tout de même plus poétique que le français
français.
Ils
passent. Elles passent. Je les
photographie. Je sors la salutation en tshiluba que je connais…
Et comme
cela, en majeur et en mineur, avec quelques nuances, pendant quatre étapes.
L’agence « découvertes et exotismes » a frappé fort. Géniale.
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