L’autre
jour, j’étais seul à la maison (André était en ville pour des achats, Nicolas
et Joseph sont à Kin pour le container !). Je m’agitais donc un peu entre
la menuiserie, le potager et le moulin pour surveiller et encourager tout notre
petit monde.
Et entre
mes va-et-vient, voilà que je dois recevoir cinq jeunes qui viennent « se
présenter pour entrer dans notre congrégation ». Cinq le même jour, cela
n’arrive pas souvent en Europe… et ils « ont fait les pieds »
(expression locale pour dire « venir à pied ») en deux groupes de
trois et deux, (sans que les deux groupe se connaissent) sur les douze
kilomètres qui séparent Kananga de notre colline !
La cathédrale
Saint-Clément de Kananga
En fait
depuis trois mois que nous sommes dans le diocèse, nous avons rencontré une
vingtaine de jeunes entre 17 et 25 ans qui nous disent vouloir « être
admis dans notre congrégation ». Ils se présentent individuellement ou
alors en groupe, comme c’est le cas ce jour.
Je les reçois
aimablement. Devant la maison. Et pour rejoindre notre salle de séjour nous enjambons les tas de sable, les
brouettes des maçons et le tas de ciment mouillé de notre chantier.
Notre portail
d’entrée, « chantier »
Je suis
très heureux de cette entrée en matière. C’est une sorte de réponse par les
actes. Notre congrégation naissante est en plein chantier. Nous n’avons pas de
places pour recevoir qui que ce soit durablement pour l’heure, et donc nous ne
pouvons donner aucune réponse réaliste à ces demandes.
Saint
Benoît dans sa règle dit qu’il faut d’abord chasser vigoureusement tous ceux
qui se présentent à la porte du monastère. Une façon efficace d’éprouver une
vocation naissante.
- Bonjour,
que voulez-vous ? (je ne suis pas saint
Benoît, mais disciple de saint Augustin et on met un peu les formes.)
- Nous
venons parce que nous aimons votre congrégation et nous voudrions être admis. (la naïveté est-elle une qualité ?)
- Que
connaissez-vous de cette congrégation que vous aimez ?
-
Rien ! (cette naïveté est-elle
toujours une qualité ? La franchise en est au moins une !)
- Mais
alors comment pouvez-vous aimer une congrégation que vous ne connaissez
pas ?
- Oui, mais
on vous a déjà vus, vos frères et vous, à la messe à Kananga en avril ! (Là cela commence à devenir plus subtil
qu’il n’y paraît)
Entrée à la messe de la cathédrale
Alors je
raconte l’histoire de nos deux congrégations (celle de Suisse qui est très
vieille et celle du Congo qui est
beaucoup trop jeune) et eux me racontent leur histoire, leurs engagements dans
leur paroisse, les études qu’ils ont faites (bac, éventuellement uni…), et les
savons qu’ils vendent au marché, pour gagner leur vie…
Au départ
ils sont un peu déçus de n’avoir reçu aucune promesse, ni aucune vraie réponse.
Nous ne pouvons pas actuellement. Et ils repartent avec leurs idées , leurs
désirs, leurs projets et leurs fragilités pleins la tête… Et je reste avec ce
chantier, ces questions et tout cet avenir obscur et mystérieux…
Bon, cela
fait beaucoup de fragilités dans toute cette histoire, mais peut-être bien
qu’avec deux fragilités (la nôtre et la leur), on (Dieu…) finira par faire
quelque chose.
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