mercredi 27 juin 2012

Vocations


L’autre jour, j’étais seul à la maison (André était en ville pour des achats, Nicolas et Joseph sont à Kin pour le container !). Je m’agitais donc un peu entre la menuiserie, le potager et le moulin pour surveiller et encourager tout notre petit monde.
Et entre mes va-et-vient, voilà que je dois recevoir cinq jeunes qui viennent « se présenter pour entrer dans notre congrégation ». Cinq le même jour, cela n’arrive pas souvent en Europe… et ils « ont fait les pieds » (expression locale pour dire « venir à pied ») en deux groupes de trois et deux, (sans que les deux groupe se connaissent) sur les douze kilomètres qui séparent Kananga de notre colline !

 La cathédrale Saint-Clément de Kananga

En fait depuis trois mois que nous sommes dans le diocèse, nous avons rencontré une vingtaine de jeunes entre 17 et 25 ans qui nous disent vouloir « être admis dans notre congrégation ». Ils se présentent individuellement ou alors en groupe, comme c’est le cas ce jour.
Je les reçois aimablement. Devant la maison. Et pour rejoindre notre salle de séjour  nous enjambons les tas de sable, les brouettes des maçons et le tas de ciment mouillé de notre chantier.
Notre portail d’entrée, « chantier »

Je suis très heureux de cette entrée en matière. C’est une sorte de réponse par les actes. Notre congrégation naissante est en plein chantier. Nous n’avons pas de places pour recevoir qui que ce soit durablement pour l’heure, et donc nous ne pouvons donner aucune réponse réaliste à ces demandes.
Saint Benoît dans sa règle dit qu’il faut d’abord chasser vigoureusement tous ceux qui se présentent à la porte du monastère. Une façon efficace d’éprouver une vocation naissante.
- Bonjour, que voulez-vous ? (je ne suis pas saint Benoît, mais disciple de saint Augustin et on met un peu les formes.)
- Nous venons parce que nous aimons votre congrégation et nous voudrions être admis. (la naïveté est-elle une qualité ?)
- Que connaissez-vous de cette congrégation que vous aimez ?
- Rien ! (cette naïveté est-elle toujours une qualité ? La franchise en est au moins une !)
- Mais alors comment pouvez-vous aimer une congrégation que vous ne connaissez pas ?
- Oui, mais on vous a déjà vus, vos frères et vous, à la messe à Kananga en avril ! (Là cela commence à devenir plus subtil qu’il n’y paraît)
Entrée à la messe de la cathédrale

Alors je raconte l’histoire de nos deux congrégations (celle de Suisse qui est très vieille et celle du  Congo qui est beaucoup trop jeune) et eux me racontent leur histoire, leurs engagements dans leur paroisse, les études qu’ils ont faites (bac, éventuellement uni…), et les savons qu’ils vendent au marché, pour gagner leur vie…
Au départ ils sont un peu déçus de n’avoir reçu aucune promesse, ni aucune vraie réponse. Nous ne pouvons pas actuellement. Et ils repartent avec leurs idées , leurs désirs, leurs projets et leurs fragilités pleins la tête… Et je reste avec ce chantier, ces questions et tout cet avenir obscur et mystérieux…
Bon, cela fait beaucoup de fragilités dans toute cette histoire, mais peut-être bien qu’avec deux fragilités (la nôtre et la leur), on (Dieu…) finira par faire quelque chose.




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