samedi 19 mai 2012

Guerre de l’eau et guerre de religions


Dès notre arrivée sur la colline, nous avons senti qu’il y avait « du tirage » entre le curé-recteur du sanctuaire (il quitte ce poste demain) et le « mulami », assistant pastoral ; comme quoi les problèmes ecclésiaux (compatibilité de personnes et de caractères) sont les mêmes, que nous soyons en Europe ou ailleurs ! Cette tension s’est soudain cristallisée autour de l’eau. Comme nous n’avons pas encore d’eau courante, l’assistant pastoral, M. Casimir, s’était proposé d’engager des dames pour nous en porter depuis le village (20 ct suisses pour 20 litres sur la tête et 10 minutes dans les pieds). Tous les deux jours cinq dames viennent remplir nos différents fûts communautaires et personnels. Et nous faisons le décompte.
deux mamans remplissant mon fût de douche

Mais le curé, comme vexé que l’assistant pastoral prenne une initiative qui lui revenait, ne l’entendait pas de cette oreille et s’est aperçu que certaines dames n’étaient pas catholiques, mais adeptes de sectes diverses. Ce qui ne m’a pas paru un problème (c’était même de la charité et de l’œcuménisme à bon compte) ! Monsieur Casimir étant aussi directeur de l’école a engagé des dames en fonction de la confiance qu’elles lui inspiraient et non pas de la religion.  Mais le curé a piqué une petite mouche, nous en a parlé - mais très légèrement - et, dans notre dos, a engagé cinq autres dames, toutes catholiques pratiquantes…
Nous nous sommes trouvés avec plus d’eau que la contenance de nos fûts et fort décontenancés… J’ai laissé notre économe traiter l’affaire avec son doigté habituel et son sens de la palabre…

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Cela me permet de faire une petite digression sur les sectes. Elles sont un réel fléau en Europe mais ce n’est encore rien par rapport à ce que l’on voit au Sud, et particulière en Amérique latine et en Afrique.
Au Kasaï, l’Eglise catholique représente encore la majorité de la population chrétienne, mais il existe aussi toutes les autres Eglises sœurs traditionnelles : nous avons rencontré des orthodoxes qui ont une magnifique cathédrale au centre ville, des vieux-catholiques, des luthériens, des presbytériens avec leurs pasteurs américains, etc… Il y a aussi des Eglises séparées de tradition africaine comme les kibangistes…
Avec ces Eglises il est possible de vivre un certain oecuménisme mais la plaie (dans le sens de « souffrance chrétienne profonde » c’est l’éparpillement de petites sectes à chaque coin de rue, et qui se proclament « Eglises du réveil ». Ce sont des sectes évangéliques qui se proposent de réveiller la foi que les autres Eglises laissent somnolente. Mais cela a aussi un sens concret : chaque matin, lorsque nous habitions en ville, j’étais proprement réveillé par le premier office chanté d’une secte proche, à 6h du matin : tam-tam et tout le reste au haut-parleur !
Chaque croyant ici, à condition qu’il soit un peu malin (si ce n’est instruit) peut s’intituler pasteur, monter un hangar, inscrire un nom d’église sur trois planches : Lystabernacle, église de la vérité, église de l’Epoque (? laquelle ?), église du Logos… Il attire toute sorte de gens fragiles ou en pétard avec une autre Eglise… Et cela marche. Parce que les Africains étant religieux par nature, n’imaginent pas de ne pas pratiquer et vont donc, lorsqu’ils ne sont pas contents de leur curé, chez le pasteur d’à côté, qui parle mieux et qui a une chorale plus sympa.
En pleine rue

Je ne parle pas de la question financière, parce que c’est au vu de tous que des pasteurs s’enrichissent et s’entourent d’une belle femme, d’une belle maison et d’une belle moto.  Mais comme les autres belles motos de la ville sont celles des curés et des politiciens, on ne peut finalement que leur reprocher leurs belles femmes et leurs belles maisons !
Plus grave encore le flirt dangereux entre ces sectes et la religion animiste première. Il est tout à fait vrai – je le constate, dans les discussions que j’ai, même avec les curés - que les Congolais sont à 70% chrétiens et 70% animistes (adeptes de la religion de la nature, des sorciers et des fétiches). Les sectes jouent là dessus. Un exemple : leurs pasteurs profitent du désarroi de certains parents face à un enfant bizarre pour en faire un « enfant sorcier » de la religion animiste, pour le faire renvoyer de la maison ou faire sur lui toute sorte d’invocation à un Esprit qui ne semble plus très sain, saint ni chrétien…
Christ d'une église de brousse

En discutant avec le clergé, je me suis rendu compte que l’Eglise catholique porte une part de responsabilité dans le développement des sectes. Quelquefois et autrefois lorsque les vocations étaient très et même trop nombreuses, les critères de renvoi du séminaire pouvaient être très hasardeux, injustes ou souvent manquant de doigté. Ce qui fait que certains séminaristes renvoyés se sont mués en pasteurs sectaires très virulents contre l’Eglise catholique qu’ils connaissent de l’intérieur… D’autre part il est clair que les inconséquences des catholiques nourrissent les sectes.
Mais aussi inversément. A chaque Samedi saint, on voit des chrétiens revenir à l’Eglise catholique Mère, en demandant le sacrement de Confirmation et disant leur déception de ne pas avoir trouvé chez les Eglises du réveil ce qu’elles étaient censé promettre.
Cathédrale catholique Saint Clément

2 commentaires:

  1. Comme partout, les sectes profitent du désarroi des personnes déboussolées, déçues....

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  2. Des pauvres vous en aurez toujours parmi vous!

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