Dès notre
arrivée sur la colline, nous avons senti qu’il y avait « du tirage »
entre le curé-recteur du sanctuaire (il quitte ce poste demain) et le « mulami »,
assistant pastoral ; comme quoi les problèmes ecclésiaux (compatibilité de
personnes et de caractères) sont les mêmes, que nous soyons en Europe ou
ailleurs ! Cette tension s’est soudain cristallisée autour de l’eau. Comme
nous n’avons pas encore d’eau courante, l’assistant pastoral, M. Casimir,
s’était proposé d’engager des dames pour nous en porter depuis le village (20
ct suisses pour 20 litres sur la tête et 10 minutes dans les pieds). Tous les
deux jours cinq dames viennent remplir nos différents fûts communautaires et
personnels. Et nous faisons le décompte.
deux mamans remplissant mon fût de douche
Mais le
curé, comme vexé que l’assistant pastoral prenne une initiative qui lui
revenait, ne l’entendait pas de cette oreille et s’est aperçu que certaines
dames n’étaient pas catholiques, mais adeptes de sectes diverses. Ce qui ne m’a
pas paru un problème (c’était même de la charité et de l’œcuménisme à bon
compte) ! Monsieur Casimir étant aussi directeur de l’école a engagé des
dames en fonction de la confiance qu’elles lui inspiraient et non pas de la
religion. Mais le curé a piqué une
petite mouche, nous en a parlé - mais très légèrement - et, dans notre dos, a
engagé cinq autres dames, toutes catholiques pratiquantes…
Nous nous
sommes trouvés avec plus d’eau que la contenance de nos fûts et fort
décontenancés… J’ai laissé notre économe traiter l’affaire avec son doigté habituel
et son sens de la palabre…
*
Cela me permet de faire une petite digression
sur les sectes. Elles sont un réel fléau en Europe mais ce n’est encore rien
par rapport à ce que l’on voit au Sud, et particulière en Amérique latine et en
Afrique.
Au Kasaï, l’Eglise catholique représente encore
la majorité de la population chrétienne, mais il existe aussi toutes les autres
Eglises sœurs traditionnelles : nous avons rencontré des orthodoxes qui
ont une magnifique cathédrale au centre ville, des vieux-catholiques, des
luthériens, des presbytériens avec leurs pasteurs américains, etc… Il y a aussi
des Eglises séparées de tradition africaine comme les kibangistes…
Avec ces Eglises il est possible de vivre un
certain oecuménisme mais la plaie (dans le sens de « souffrance chrétienne
profonde » c’est l’éparpillement de petites sectes à chaque coin de rue,
et qui se proclament « Eglises du réveil ». Ce sont des sectes
évangéliques qui se proposent de réveiller la foi que les autres Eglises
laissent somnolente. Mais cela a aussi un sens concret : chaque matin,
lorsque nous habitions en ville, j’étais proprement réveillé par le premier
office chanté d’une secte proche, à 6h du matin : tam-tam et tout le reste
au haut-parleur !
Chaque croyant ici, à condition qu’il soit un
peu malin (si ce n’est instruit) peut s’intituler pasteur, monter un hangar,
inscrire un nom d’église sur trois planches : Lystabernacle, église de la
vérité, église de l’Epoque (? laquelle ?), église du Logos… Il attire
toute sorte de gens fragiles ou en pétard avec une autre Eglise… Et cela
marche. Parce que les Africains étant religieux par nature, n’imaginent pas de
ne pas pratiquer et vont donc, lorsqu’ils ne sont pas contents de leur curé,
chez le pasteur d’à côté, qui parle mieux et qui a une chorale plus sympa.
En pleine rue
Je ne parle pas de la question financière,
parce que c’est au vu de tous que des pasteurs s’enrichissent et s’entourent
d’une belle femme, d’une belle maison et d’une belle moto. Mais comme les autres belles motos de
la ville sont celles des curés et des politiciens, on ne peut finalement que
leur reprocher leurs belles femmes et leurs belles maisons !
Plus grave encore le flirt dangereux entre ces
sectes et la religion animiste première. Il est tout à fait vrai – je le
constate, dans les discussions que j’ai, même avec les curés - que les
Congolais sont à 70% chrétiens et 70% animistes (adeptes de la religion de la
nature, des sorciers et des fétiches). Les sectes jouent là dessus. Un
exemple : leurs pasteurs profitent du désarroi de certains parents face à un
enfant bizarre pour en faire un « enfant sorcier » de la religion
animiste, pour le faire renvoyer de la maison ou faire sur lui toute sorte
d’invocation à un Esprit qui ne semble plus très sain, saint ni chrétien…
Christ d'une église de brousse
En discutant avec le clergé, je me suis rendu
compte que l’Eglise catholique porte une part de responsabilité dans le
développement des sectes. Quelquefois et autrefois lorsque les vocations
étaient très et même trop nombreuses, les critères de renvoi du séminaire
pouvaient être très hasardeux, injustes ou souvent manquant de doigté. Ce qui
fait que certains séminaristes renvoyés se sont mués en pasteurs sectaires très
virulents contre l’Eglise catholique qu’ils connaissent de l’intérieur… D’autre
part il est clair que les inconséquences des catholiques nourrissent les
sectes.
Mais aussi inversément. A chaque Samedi saint,
on voit des chrétiens revenir à l’Eglise catholique Mère, en demandant le
sacrement de Confirmation et disant leur déception de ne pas avoir trouvé chez
les Eglises du réveil ce qu’elles étaient censé promettre.
Cathédrale catholique Saint Clément
Comme partout, les sectes profitent du désarroi des personnes déboussolées, déçues....
RépondreSupprimerDes pauvres vous en aurez toujours parmi vous!
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