samedi 16 juin 2012

Vie et trafics pastoraux sur la colline

Comment est organisée la vie paroissiale à notre arrivée  sur la colline? Celle-ci dépend juridiquement d’une paroisse de brousse très étendue qui se trouve au nord et qui a un curé, le P. Alphonse. Mais en fait, même si nous nous entendons bien avec lui, nous ne le voyons jamais. La colline et les hameaux environnants (jusqu’à 10 km sur la piste) sont autonomes au point de vue pastoral. Je suis donc, en tant qu’unique prêtre jusqu’en août, quasi-curé de la paroisse de Malandji, avec mes diacres sommes quasi-vicaires !
Notre colline est un lieu de pèlerinage et a un monastère de bénédictines. Avant notre implantation notre archevêque avait nommé un recteur du sanctuaire et aumônier des sœurs, le P. Pascal, un petit abbé pétillant, avec qui nous avons vécu quelques jours et qui en faisait « soit pas assez, soit trop ». Il était supposé habiter la colline, et y vivre, mais seulement supposé (parce que n’ayant pas de salaire, il fallait bien qu’il gagne son pain et ne pouvait compter sur la collecte de sa messe dominicale ; il nous avait avoué que ses paroissiens faisaient une ovation à la messe lorsque la quête dépassait 1500 frc = 1frs50 !)
Messe dans notre église de la colline

- Ici beaucoup de curés trafiquent pour gagner leur vie. Le mot trafiquer n’est pas que péjoratif dans le français du Congo. Il peut signifier simplement commercer (mais la zone « grise » semble assez importante) . Les prêtres pour remplir leur porte-monnaie ou plutôt leur assiette ont des activités annexes. Ils vendent les produits de leur jardin ou s’occupent d’acheminer des produits ou denrées qui leur rapportent une plus-value. –
Mais revenons à la pastorale. L’organisation pastorale des paroisses congolaises est extrêmement bien structurée et les laïcs y ont une place de choix. (Petit cours de tshiluba : un mulami, des balami, assistants pastoraux laïcs !) Nous avons plusieurs balami sur notre paroisse. Il y a aussi des catéchistes, des responsables de mouvements… Lorsque, pour faire le point de l’état pastoral de notre paroisse, nous avons convoqué tous les responsables, il y en a trente, dames et messieurs, qui sont venus pour une réunion animée par André qui est notre responsable de la liturgie.

Réunion des responsables des groupes paroissiaux

Le numéro 2 de la paroisse, incontournable, c’est Monsieur Casimir, un ancien et un sage. Au titre de mulami en chef, il organisait et animait la prière le dimanche dans l’église lorsque le curé ne pouvait pas être là, pour des raisons que seul le Saint-Esprit connaît, et encore ! Monsieur Casimir est aussi le directeur de la petite école qui se trouve au village du flanc nord-ouest de la colline (à 10 minutes à pied), et qui attire environ 150 élèves qui viennent des différentes petites cases et hameaux depuis le pont sur la Lulua et sur tous les flancs de la colline. Monsieur Casimir est aussi sacristain en chef et il nous est d’un grand secours pour notre installation pastorale. A côté de ses différents mandats qui ne doivent pas lui rapporter grand chose, Monsieur Casimir fait aussi du trafic. Il nous a dit un jour qu’il avait une moto si nous en avions besoin. En fait il nous la « louait » volontiers. Il a en effet une moto qui lui rapporte 10 dollars par jour, parce qu’il la loue à ce prix à un jeune conducteur casse-cou qui fait le taxi dans la ville et qui vit (plutôt bien) avec ses courses, moins l’essence, moins les 10 dollars qui permettent à Casimir d’acheter la nourriture de sa famille…

Monsieur Casimir, mulami en chef

Mais revenons encore à notre pastorale. Sur la trentaine de responsables chrétiens que nous avons rencontrés, il y avait des charismatiques (plusieurs groupes, mais isolés et qui ont besoin de se connaître et de se rencontrer, et que nous les rencontrions !), des responsables de groupements laïcs (légionnaires de Marie, mamans chrétiennes, jeunes, scouts, enfants K+A*, groupes de foyer), des catéchistes, des choristes engagés…
Une institution importante dans les diocèses du Congo, ce sont les CVB (communautés vivantes de base, plus ou moins vivantes selon la vigueur de leurs responsables). Comme les paroisses sont souvent très grandes et les curés éloignés, les CVB assurent la proximité des chrétiens ; des responsables les rassemblent une fois par semaine pour lire la parole de Dieu et préparer, à tour de rôle, la liturgie du dimanche (lectures, prières universelles). Il y a effectivement plusieurs CVB sur notre paroisse mais on a senti leurs responsables un peu fatigués. Ils et elles ont besoin d’un élan nouveau et surtout d’encouragement.
Rencontre dans une communauté éloignée
pour qui nous avons le projet de remplacer le lieu de prière
par une chapelle plus digne !

Progressivement nous prenons en main cette pastorale passionnante. Nous voulons encadrer et encourager nos paroissiens et leurs responsables, accompagner les sœurs bénédictines (messes, récollections, prières), animer la colline (présence de prière, de travail, d’aménagement et d’accueil). Les frères sont diacres jusqu’en août. Il faut nous organiser en conséquence, c’est-à-dire avec un prêtre blanc qui ne parle pas vraiment la langue locale et des paroissiens qui ne sont que 40%  à comprendre le français (la messe de la paroisse est en grande partie en tshiluba dit par les diacres, et la messe du monastères des sœurs en français). Puis lorsque les frères seront prêtres, toute notre pastorale prendra un nouvel élan.
La grande partie de notre activité et présence religieuse est « canoniale », c’est-à-dire se fait par la prière de l’office de chœur : prière du matin (laudes), du milieu du jour, du soir (vêpres) et de l’entrée dans la nuit (complies). Pour presque toutes nos vêpres célébrées au sanctuaire de Notre-Dame du Kasaï, Dieu nous offre un magnifique coucher de soleil sur les collines à l’ouest. Rose plus que de cartes postales…
Vêpres et coucher de soleil

La prière est donc bien partie et la prise en charge pastorale se déroulera donc petit à petit, kakese kakese en tshiluba. C’est une expression que j’ai vite apprise et qui est toute une philosophie de base nécessaire en Afrique.


*NB les K+A sont des groupes d'enfants et jeunes qui se réunissent dans le patronage des saints jeunes martyrs ougandais Kisito et congolaise Anuarite. 


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