mardi 17 juillet 2012

Revitaliser la paroisse. Comment s'y prendre?

Les préparatifs d’une élection paroissiale
Même si les paroisses congolaises sont plutôt bien organisées, la nôtre avait besoin d’un coup de jeune et d’un renouvellement de ses structures. A notre arrivée, nous avons senti les différents responsables un peu écrasés par l’activisme du mulami (agent pastoral laïc), Casimir… et par les découragements de l’abbé Pascal, qui était certainement trop seul pour dynamiser véritablement cette paroisse du Sanctuaire.
André qui est notre responsable de la liturgie et donc de la paroisse a entrepris de déterminer des secteurs d’activités selon les grands thèmes de la théologie pastorale : la Liturgie et les célébrations, l’Evangélisation et l’apostolat, la Diaconie ou service des plus faibles.
Des responsables ont été progressivement désignés et petit-à-petit les structures vivantes de notre paroisse semblent se revitaliser positivement. Plutôt que de se précipiter chez les pères au moindre problème ou à la moindre demande, nos paroissiens s’habituent ou devraient s’habituer à utiliser les rouages mis en place. Cela prendra un peu de temps, mais c’est bien parti.

Ce dimanche 15 juillet, a été programmé après la messe le renouvellement du conseil paroissial. Et ce fut une affaire plus compliquée que prévu. Nous avons senti que ce renouveau était souhaité par les paroissiens. Or un tel renouvellement se prépare, car il faut trouver les bonnes personnes, ménager les susceptibilités des anciens responsables (même et surtout s’ils se disent ouverts à tout !), intégrer subtilement des forces vives (et notamment chez nous les sœurs bénédictines que l’évêque veut voir travailler dans la paroisse !)
Ce processus ressemble psychologiquement à ce que nous vivons dans nos paroisses européennes : ainsi faut-il trouver un bon équilibre entre un processus participatif (si ce n’est démocratique) et une procédure préparée (si ce n’est dirigée).
J’ai dû guider les premiers pas d’André dans ce sens. Il s’est heurté à un aspect que je n’avais pas imaginé : la polygamie. En effet pour faire partie du conseil de paroisse et surtout le diriger, il faut au minimum avoir un style de vie dans les standards chrétiens catholiques si j’ose dire. Pour trouver son président de conseil, André avait d’abord penser à une personne qui semblait avoir le profil. Lorsqu’on a discuté avec lui, on s’est aperçu qu’il était polygame. On se rabat sur un autre monsieur tout aussi sympathique et en apparence compétent. André lui demande d’emblée combien il a de femmes, il répond « deux ». La discussion s’est presque terminée sitôt commencée et André était échaudé ! Finalement il s’est dit qu’ « une Sœur… »

Polygamie, qu’est-ce à dire ?
Je raconte ici ce que j’ai réussi à comprendre… Contrairement à l’Europe, la polygamie est traditionnelle et socialement admise ici au Congo (même par les femmes, aspect que je dois encore étudier !). Schématisé cela donne souvent ceci : Les familles arrangent un premier mariage pour leurs garçons, qui ont ainsi leur femme officielle et des enfants. Puis ils en rencontrent une autre (qui souvent s’agrippe et manœuvre !), vivent une histoire d’amour, ont des enfants dans d’autres cases que l’officielle ; les familles et les femmes (de premier rang ou de rangs suivants) s’en accommodent comme un moindre mal ou une fatalité de la vie.
L’Eglise catholique vit sous un autre régime et est assez stricte pour maintenir la solidité de ses structures. Les baptisés ouvertement polygames sont admis à la messe mais pas à la communion (et on leur fait clairement savoir). Le contrat de mariage traditionnel semble avoir plus de poids social que le mariage sacramentel ; ainsi ceux qui sont mariés traditionnellement mais pas sacramentellement ne sont pas non plus admis à la communion, qu’ils soient monogames ou polygames.
En fait il ne semble pas avoir ici de débats aussi chauds qu’en Europe pour la communion des divorcés remariés. J’essaie de trouver une explication dans un individualisme moins exacerbé qu’en Europe et une vision plus hiérarchique et moins égalitaire de la société. Ici on semble moins remettre en cause les préceptes soit sociaux soit écclésiaux. Mais en même temps, on le comprend bien, cela ne veut pas dire que la vie morale soit plus saine en Afrique qu’en Europe !
Je note aussi que tout ceci est en train d’évoluer, puisque les structures traditionnelles de la société sont en train d’être démantelées par l’urbanisation rapide de la société et pour le meilleur comme pour le pire.

Notre nouveau conseil paroissial
Donc ce dimanche 15 juillet après la messe, nous avons organisé, dans la chapelle-sanctuaire - une assemblée de tous les responsables paroissiaux pour élire le conseil de paroisse. 46 personnes sont venues à cette réunion depuis les hameaux des flancs de la colline jusqu’aux communautés plus éloignées mais dépendantes de notre pastorale. « Responsables » étant un terme un peu élastique, il y avait semble-t-il plus de personnes que prévu et nous avons flairé quelques manœuvres électoralistes sans que nous puissions chasser qui que ce soit !
Réunion électorale au sanctuaire :
les hommes d’un côté, les femmes de l’autre (et pas à cause de nous !)


Démocratie à l’état brut et naïf. Pour gagner du temps – il était déjà 11h30 – nous avions prévu une élection à mains levées. Mais ce fut impossible à mettre en œuvre pour la présidence, tant les tensions entre les anciens et les modernes malmenaient des loyautés et créaient des psychodrames affectifs. Il a fallu préparer sur place des petits papiers, inviter ceux qui savaient écrire à écrire pour les autres ( !) et – comme il y avait un peu de brise dans ce sanctuaire ajouré et que nous n’avions pas prévu de boîte, utiliser les mains blanches du curé comme urne !
Vote à bulletins secrets dans les mains du curé

Dépouillement

Le curé étant président de droit, la Sœur Marie-Justine fut élue deuxième présidente à la majorité absolue, ce que nous espérions bien. L’éternel Casimir devient vice-président et ainsi de suite, d’autres ont été élus – mains levées cette fois : secrétaire, trésorier, sensibilisateurs (ceux qui sentent le pouls de la paroisse) et conseillers (représentants des différents hameaux ou groupes). Tout est bien qui finit bien… et maintenant il s’agit de commencer à travailler.
Sœur Marie-Justine est élue présidente

Et l’Etat ?
Premier problème à résoudre paroissialement : un membre d’une communauté qui fabrique actuellement des briques pour construire sa chapelle (voir un des derniers articles du blog !) se lève et demande comment ils doivent se comporter avec les agents de l’Etat qui viennent les importuner et les rançonner pour ce travail. Nous leur conseillons de ne pas s’en prendre –physiquement - à leur personne (certains semblaient prêts à en découdre avec du goudron et des plumes!). Comme chrétiens cela ne se fait tout de même pas, même si on a bien envie ! Comme ce travail est un travail d’intérêt général et sans but lucratif, nous conseillons à cette communauté de renvoyer les sbires de l’Etat vers les Pères ou vers les services de l’archevêché. Pour explications en bonne et due forme.
Rien n’est simple sous ce soleil.

Repas après l’assemblée paroissiale sous les manguiers

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