Même si les
paroisses congolaises sont plutôt bien organisées, la nôtre avait besoin d’un
coup de jeune et d’un renouvellement de ses structures. A notre arrivée, nous
avons senti les différents responsables un peu écrasés par l’activisme du
mulami (agent pastoral laïc), Casimir… et par les découragements de l’abbé
Pascal, qui était certainement trop seul pour dynamiser véritablement cette paroisse
du Sanctuaire.
André qui
est notre responsable de la liturgie et donc de la paroisse a entrepris de
déterminer des secteurs d’activités selon les grands thèmes de la théologie
pastorale : la Liturgie et les célébrations, l’Evangélisation et l’apostolat,
la Diaconie ou service des plus faibles.
Des
responsables ont été progressivement désignés et petit-à-petit les structures
vivantes de notre paroisse semblent se revitaliser positivement. Plutôt que de
se précipiter chez les pères au moindre problème ou à la moindre demande, nos
paroissiens s’habituent ou devraient s’habituer à utiliser les rouages mis en
place. Cela prendra un peu de temps, mais c’est bien parti.
Ce dimanche
15 juillet, a été programmé après la messe le renouvellement du conseil paroissial.
Et ce fut une affaire plus compliquée que prévu. Nous avons senti que ce
renouveau était souhaité par les paroissiens. Or un tel renouvellement se
prépare, car il faut trouver les bonnes personnes, ménager les susceptibilités
des anciens responsables (même et surtout s’ils se disent ouverts à
tout !), intégrer subtilement des forces vives (et notamment chez nous les
sœurs bénédictines que l’évêque veut voir travailler dans la paroisse !)
Ce
processus ressemble psychologiquement à ce que nous vivons dans nos paroisses
européennes : ainsi faut-il trouver un bon équilibre entre un processus
participatif (si ce n’est démocratique) et une procédure préparée (si ce n’est
dirigée).
J’ai dû
guider les premiers pas d’André dans ce sens. Il s’est heurté à un aspect que
je n’avais pas imaginé : la polygamie. En effet pour faire partie du
conseil de paroisse et surtout le diriger, il faut au minimum avoir un style de
vie dans les standards chrétiens catholiques si j’ose dire. Pour trouver son
président de conseil, André avait d’abord penser à une personne qui semblait
avoir le profil. Lorsqu’on a discuté avec lui, on s’est aperçu qu’il était
polygame. On se rabat sur un autre monsieur tout aussi sympathique et en
apparence compétent. André lui demande d’emblée combien il a de femmes, il
répond « deux ». La discussion s’est presque terminée sitôt commencée
et André était échaudé ! Finalement il s’est dit qu’ « une Sœur… »
Polygamie, qu’est-ce à
dire ?
Je raconte
ici ce que j’ai réussi à comprendre… Contrairement à l’Europe, la polygamie est
traditionnelle et socialement admise ici au Congo (même par les femmes, aspect
que je dois encore étudier !). Schématisé cela donne souvent ceci :
Les familles arrangent un premier mariage pour leurs garçons, qui ont ainsi
leur femme officielle et des enfants. Puis ils en rencontrent une autre (qui
souvent s’agrippe et manœuvre !), vivent une histoire d’amour, ont des
enfants dans d’autres cases que l’officielle ; les familles et les femmes
(de premier rang ou de rangs suivants) s’en accommodent comme un moindre mal ou
une fatalité de la vie.
L’Eglise
catholique vit sous un autre régime et est assez stricte pour maintenir la
solidité de ses structures. Les baptisés ouvertement polygames sont admis à la
messe mais pas à la communion (et on leur fait clairement savoir). Le contrat
de mariage traditionnel semble avoir plus de poids social que le mariage
sacramentel ; ainsi ceux qui sont mariés traditionnellement mais pas
sacramentellement ne sont pas non plus admis à la communion, qu’ils soient
monogames ou polygames.
En fait il
ne semble pas avoir ici de débats aussi chauds qu’en Europe pour la communion
des divorcés remariés. J’essaie de trouver une explication dans un
individualisme moins exacerbé qu’en Europe et une vision plus hiérarchique et
moins égalitaire de la société. Ici on semble moins remettre en cause les
préceptes soit sociaux soit écclésiaux. Mais en même temps, on le comprend bien,
cela ne veut pas dire que la vie morale soit plus saine en Afrique qu’en Europe !
Je note
aussi que tout ceci est en train d’évoluer, puisque les structures
traditionnelles de la société sont en train d’être démantelées par l’urbanisation
rapide de la société et pour le meilleur comme pour le pire.
Notre nouveau conseil
paroissial
Donc ce
dimanche 15 juillet après la messe, nous avons organisé, dans la
chapelle-sanctuaire - une assemblée de tous les responsables paroissiaux pour
élire le conseil de paroisse. 46 personnes sont venues à cette réunion depuis
les hameaux des flancs de la colline jusqu’aux communautés plus éloignées mais
dépendantes de notre pastorale. « Responsables » étant un terme un
peu élastique, il y avait semble-t-il plus de personnes que prévu et nous avons
flairé quelques manœuvres électoralistes sans que nous puissions chasser qui
que ce soit !
Réunion électorale au
sanctuaire :
les hommes d’un côté, les femmes de l’autre (et pas à cause de nous !)
les hommes d’un côté, les femmes de l’autre (et pas à cause de nous !)
Démocratie
à l’état brut et naïf. Pour gagner du temps – il était déjà 11h30 – nous avions
prévu une élection à mains levées. Mais ce fut impossible à mettre en œuvre
pour la présidence, tant les tensions entre les anciens et les modernes
malmenaient des loyautés et créaient des psychodrames affectifs. Il a fallu
préparer sur place des petits papiers, inviter ceux qui savaient écrire à
écrire pour les autres ( !) et – comme il y avait un peu de brise dans ce
sanctuaire ajouré et que nous n’avions pas prévu de boîte, utiliser les mains
blanches du curé comme urne !
Vote à bulletins
secrets dans les mains du curé
Dépouillement
Le curé
étant président de droit, la Sœur Marie-Justine fut élue deuxième présidente à
la majorité absolue, ce que nous espérions bien. L’éternel Casimir devient
vice-président et ainsi de suite, d’autres ont été élus – mains levées cette
fois : secrétaire, trésorier, sensibilisateurs (ceux qui sentent le pouls
de la paroisse) et conseillers (représentants des différents hameaux ou
groupes). Tout est bien qui finit bien… et maintenant il s’agit de commencer à
travailler.
Sœur Marie-Justine est
élue présidente
Et l’Etat ?
Premier
problème à résoudre paroissialement : un membre d’une communauté qui
fabrique actuellement des briques pour construire sa chapelle (voir un des
derniers articles du blog !) se lève et demande comment ils doivent se
comporter avec les agents de l’Etat qui viennent les importuner et les
rançonner pour ce travail. Nous leur conseillons de ne pas s’en prendre
–physiquement - à leur personne (certains semblaient prêts à en découdre avec du goudron et des plumes!). Comme chrétiens cela ne se fait tout de même
pas, même si on a bien envie ! Comme ce travail est un travail d’intérêt
général et sans but lucratif, nous conseillons à cette communauté de renvoyer
les sbires de l’Etat vers les Pères ou vers les services de l’archevêché. Pour
explications en bonne et due forme.
Rien n’est
simple sous ce soleil.
Repas après
l’assemblée paroissiale sous les manguiers
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