Depuis
notre arrivée sur la colline, j’ai un nouveau professeur de tshiluba :
Sylvain est, le matin, élève de la 5e de l’école catholique de la
colline (celle que dirige Monsieur Casimir, l’assistant pastoral de la paroisse
du sanctuaire). L’après-midi, avec quelques gamins voisins, il vient rigoler et
un peu travailler avec le Père « blanc ». On entretient avec des
rateaux, des balais et des houes, les allées qui conduisent à l’église ou à la
chapelle de la Vierge. Sylvain a l’air très intelligent et c’est à lui que je
demande de me fournir des petites phrases et des mots de vocabulaire en
tshiluba que je mémorise avec difficulté, ce qui donne lieu à des rires
mémorables. J’ai l’impression que certains petits me tournent en bourrique en
me faisant dire des choses bizarres, mais Sylvain prend son rôle avec beaucoup
de sérieux.
Un soir il
me montre de grosses plaies infectées à la jambe. Nouveau mot de
vocabulaire : mputa, la
plaie ! Mon confrère Joseph m’explique qu’il s’agit de petites blessures
qui s’infectent par manque d’hygiène à la maison et par manque de moyens
financiers pour aller au centre de santé. Je décide de l’emmener le lendemain à
ce dispensaire qui se trouve à trois kilomètres de chez nous au-delà des hameaux.
J’avais
prévu de marcher. Mais en route, nous rencontrons un jeune avec une moto et je
marchande (âprement) le transport pour Sylvain et moi. En chemin, nous
traversons plusieurs hameaux ou passons près de cases isolées et les gens
crient « au beurre », ou « au bain » ou « au
bord ». C’est du moins ce que j’entends et je demande pourquoi. Mais
Albert le jeune chauffeur m’explique qu’en fait ils crient
« Albert ». Il est plus populaire que moi, ce qui est vexant ;
d’habitude, lorsque je passe en moto, on crie « le
blanc ! » Et j’apprends qu’Albert est le fils aîné d’Ignace et
Thérèse, nos plus proches voisins.
Nous
arrivons au centre de santé et je confie Sylvain aux infirmiers. On me fait
visiter le « complexe » : quatre petites pièces : une
maternité avec 2 bébés de 4 et 5 jours encore tout blancs, une salle
d’accouchement sommaire, un bureau de consultation encombré et une pharmacie
pas encombrée du tout !
Si vous regardez attentivement, vous lirez Maternité sur le mur!
Salle de consultation
l'étagère de la pharmacie
La pauvreté des moyens m’impressionne mais on
m’explique que ce dispensaire assez sommaire est encore trop cher pour beaucoup
de parents et très éloigné de certaines cases puisqu’il dessert une zone de
10km. Ce sont d’ailleurs les deux raisons qui ont causé l’infection de Sylvain
(ses parents n’ont pas d’argent et habitent trop loin du dispensaire), et pourtant
je n’ai payé que 3000 fr congolais (3 frs) la consultation, la piqûre
antibiotique et les pansements. Comme ce dispensaire « catholique »
(soutenu par la Caritas locale) dépend de notre colline et juridiquement de
nous, nous allons réfléchir en communauté et avec l’infirmier responsable pour
améliorer les choses.
Mais cela
met le doigt sur des problèmes énormes d’hygiène fondamentale et d’accès à la
santé dans des hameaux miséreux qui ne se trouvent pourtant qu’à 12 km d’une
capitale de 1'200’000 habitants !
Sylvain a
passé une belle matinée. Il a été soigné et il a paradé en moto devant tous ses
copains des villages…
Le monde est partagé en 2 catégories : ceux qui sont nés du bon côté de la barrière et les autres... Poussons la barrière !
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