Notre Père
saint Augustin a dit : « Aime et fais ce que tu veux ». Et au
cours des siècles, cette injonction a pénétré jusqu’au fond de l’âme des
chanoines et est en train de débarquer au Kasaï. Bien sûr la phrase a d’abord
une portée théologique et mystique rappelant que la vraie liberté se construit
sur l’amour de Dieu et des frères, mais il n’empêche : les chanoines lui
ont donné aussi une portée plus pratique et concrête et ont toujours mis
beaucoup d’amour à vivre de façon originale et indépendante, selon
l’ « esprit chanoine ».
Depuis
quelques jours, il y a comme un « esprit chanoine » à Kananga.
L’expression a été forgée par nous (et nous entendons bien le diffuser avec ou
malgré nous) ; elle est empruntée à « l’esprit kinois », cette
façon originale de vivre et de s’habiller de la jeunesse hyperbranchée de
Kinshasa. Nous en avons vu un exemplaire « faire une apparition »
lors d’une visite chez des sœurs de Nicolas : un gars d’une vingtaine
d’années, veston bleu pétant, pantalon blanc, cravate orgueilleuse, chapeau…
canne ! Plus cela paraît original et décalé, plus cela fait « esprit
kinois »…
Et
« l’esprit chanoine » ? Notre petite communauté de quatre
personnes le vit par cette façon indépendante et originale qu’a chacun de nous
de s’habiller ou de prévoir un habillement pour une occasion. L’autre matin
cela crevait tellement les yeux que nous nous en avons ri : nous avions en
Suisse prévu des habits communautaires pour la prière ou pour les sorties, mais
pas moyen de passer ici de la théorie à la pratique. A laudes, nous avions
quatre habits différents : Joseph en soutane, Nicolas en civil, André aube
avec camail, moi aube sans camail. A table pour le petit déjeûner, avant de
nous diriger vers la cathédrale
pour la messe : moi en chemise et croix, André en chemise-col-romain,
Joseph en soutane et ceinture blanche et Nicolas en safari (veston sombre à manches
courtes, très classe). J’ai mis ma chemise à col romain (pour faire plus prêtre
que mes diacres, tout de même !)
mais communautairement nous avons renoncé à nous harmoniser davantage.
« L’esprit chanoine » nous l’a empêché.
Autre signe
de l’esprit chanoine : il en manque souvent un. A part la prière où, vêtus
de façon différente, nous sommes ensemble (et n’est-ce pas l’essentiel !),
nous avons de la peine à faire des activités, à répondre à des invitations tous
les quatre ensemble. L’autre soir, à l’occasion des ordinations et de la fête
du sacerdoce, Monseigneur avait invité le clergé à une garden-party à
l’archevêché. Tables et chaises de jardin, buffet très garni, martinis et champagnes, lumière tamisée sous
lune pâle, sets de table à bord doré, hauts-parleurs diffusant le « temps
des cerises » par Mireille Mathieu… la classe quoi ! A la fin, dans
une ambiance très sympa, l’archevêque veut présenter à nouveau les
« chanoines de Malandji » aux prêtres présents : Nicolas était
en chemise colorée, André en cravate, moi en col romain et Joseph était resté
endormi au Thabor, trop fatigué par la journée. L’esprit chanoine avait encore
frappé… Mais je précise que si les 6 ordonnés de la table d’honneur,
complètement épuisés et tétanisés par la journée, étaient en complets-vestons
très stricts, Monseigneur l’Archevêque nous recevait en toute simplicité :
une belle chemise de boubou blanche avec des reflets damassés bleus !
L'esprit chanoine, c'est très sympa !!!!
RépondreSupprimer