Les clichés sur un pays ou un peuple sont
souvent une variante banalisée du racisme. Avec l’Afrique je me rends compte -
à la longue et dans le vif du sujet - que c’est très vrai. Les clichés
procèdent (comme le racisme) de l’ignorance, de la généralisation abusive et de
la facilité intellectuelle. Rien n’est simple dans la vie. Ma position actuelle
est celle-ci : tous les clichés sur l’Afrique et les Africains ont leur
part de vérité et leurs contraires sont tout aussi vrais !
« La famille africaine est plus solide que
la famille européenne ».
La famille
a une importance primordiale en Afrique. On est encore dans un contexte où la
famille élargie a plus d’impact sur l’individu que la famille nucléaire (même
cette situation est en train de changer rapidement à cause de l’urbanisation).
Tout un
réseau de relations, d’obligations et de devoirs enserre l’individu la plupart
du temps pour le meilleur ; mais aussi pour le pire, par exemple le chantage
à l’argent (« Tu as de l’argent donc tu dois m’aider puisque je suis ta
cousine » « Tu es l’ami du Père blanc, demande-lui de l’argent pour
les uniformes scolaires de mes enfants qui sont tes neveux »…. et autres
réjouissances !). Le meilleur serait par contre que dans chaque coin ou
ville, on a un oncle ou un cousin qui peut recevoir et aider en cas de
difficultés inverses (mais avec cela on peut aussi tomber dans le pire et voir
arriver des cousins que l’on connaît à peine et que l’on doit aider)…
Par contre
il est clair (et cela a été une surprise pour ma naïveté !) que la famille
nucléaire est aussi fragile que la famille européenne actuelle : les
divorces et les séparations plus ou moins à l’amiable, les adultères et les
liaisons extramaritales stables que l’on peut assimiler à des polygamies, les
abandons de domicile par les maris « voyageurs » (sans espoir d’aide
financière pour les mamans !), les relations (très) juvéniles et les
grossesses précoces, tout cela fait partie du quotidien banal de la famille
africaine, jusque dans les paroisses avec des implications pastorales importantes.
Lié au sens
de la famille : le respect de la personne âgée, comme personne de sagesse
et d’expérience qu’on entoure de considération. Je crois que c’est le cas.
Malheureusement les choses sont en train de se dégrader à cause de
l’urbanisation et de la régression économique. Les familles nucléaires ayant de
la peine à nouer les deux bouts, ce sont les grands-parents ne travaillant plus
qui donc trinquent et crèvent la faim. D’autre part la circulation étant
difficile à cause de l’état des routes et des véhicules, les familles de la
ville peinent à soutenir les vieux restés au village. J’ai vu chez nous un
grand-père presqu’abandonné sans soin parce que ses enfants sont en ville (à 12
km !).
C’est un
enjeu pastoral pour les paroisses. Les conseils et les curés (qui le peuvent,
parce que souvent ils sont aussi pauvres que leur paroissiens et doivent se
démener pour avoir des revenus) essaient de s’occuper des plus fragiles
(veuves, orphelins et personnes âgées, handicapés). Des foyers d’accueil
commencent à être créés par les congrégations religieuses. Mais c’est à double
tranchant parce qu’à cause des difficultés et de la tendance à accepter d’être
assisté, cela dédouane encore plus les parents à s’occuper de leur aînés !
Nous avons
vécu une fois une aventure tragicomique. Dès le début nous avons voulu que
notre paroisse ait un secteur « diaconie » c’est-à-dire d’aide aux
plus faibles. On a nommé un responsable pour les repérer et les aider un peu.
Celui-ci a visité une grand-mère que nous savions maltraitée par son
petit-fils. Quelques heures après, la vieille dame était dans la cour de notre
maison (elle était presque impotente et avait fait un km à pied !), avec
des voisins qui disaient : « Si les Pères veulent s’occuper d’elle,
qu’ils la gardent chez eux ! »
André s’est
fâché rouge… contre les voisins et a, gentiment, raccompagné la grand-mère chez
elle. L’histoire ayant fait le tour du village, je crois que le petit-fils
n’ose plus toucher sa grand-mère. Quant à savoir si elle mange à sa faim…
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