mercredi 5 septembre 2012

Les clichés et leurs contraires - 3 : la famille


Les clichés sur un pays ou un peuple sont souvent une variante banalisée du racisme. Avec l’Afrique je me rends compte - à la longue et dans le vif du sujet - que c’est très vrai. Les clichés procèdent (comme le racisme) de l’ignorance, de la généralisation abusive et de la facilité intellectuelle. Rien n’est simple dans la vie. Ma position actuelle est celle-ci : tous les clichés sur l’Afrique et les Africains ont leur part de vérité et leurs contraires sont tout aussi vrais !

 Exemple :
« La famille africaine est plus solide que la famille européenne ».
La famille a une importance primordiale en Afrique. On est encore dans un contexte où la famille élargie a plus d’impact sur l’individu que la famille nucléaire (même cette situation est en train de changer rapidement à cause de l’urbanisation).
Tout un réseau de relations, d’obligations et de devoirs enserre l’individu la plupart du temps pour le meilleur ; mais aussi pour le pire, par exemple le chantage à l’argent (« Tu as de l’argent donc tu dois m’aider puisque je suis ta cousine » «  Tu es l’ami du Père blanc, demande-lui de l’argent pour les uniformes scolaires de mes enfants qui sont tes neveux »…. et autres réjouissances !). Le meilleur serait par contre que dans chaque coin ou ville, on a un oncle ou un cousin qui peut recevoir et aider en cas de difficultés inverses (mais avec cela on peut aussi tomber dans le pire et voir arriver des cousins que l’on connaît à peine et que l’on doit aider)…
Par contre il est clair (et cela a été une surprise pour ma naïveté !) que la famille nucléaire est aussi fragile que la famille européenne actuelle : les divorces et les séparations plus ou moins à l’amiable, les adultères et les liaisons extramaritales stables que l’on peut assimiler à des polygamies, les abandons de domicile par les maris « voyageurs » (sans espoir d’aide financière pour les mamans !), les relations (très) juvéniles et les grossesses précoces, tout cela fait partie du quotidien banal de la famille africaine, jusque dans les paroisses avec des implications pastorales importantes.


Lié au sens de la famille : le respect de la personne âgée, comme personne de sagesse et d’expérience qu’on entoure de considération. Je crois que c’est le cas. Malheureusement les choses sont en train de se dégrader à cause de l’urbanisation et de la régression économique. Les familles nucléaires ayant de la peine à nouer les deux bouts, ce sont les grands-parents ne travaillant plus qui donc trinquent et crèvent la faim. D’autre part la circulation étant difficile à cause de l’état des routes et des véhicules, les familles de la ville peinent à soutenir les vieux restés au village. J’ai vu chez nous un grand-père presqu’abandonné sans soin parce que ses enfants sont en ville (à 12 km !).
C’est un enjeu pastoral pour les paroisses. Les conseils et les curés (qui le peuvent, parce que souvent ils sont aussi pauvres que leur paroissiens et doivent se démener pour avoir des revenus) essaient de s’occuper des plus fragiles (veuves, orphelins et personnes âgées, handicapés). Des foyers d’accueil commencent à être créés par les congrégations religieuses. Mais c’est à double tranchant parce qu’à cause des difficultés et de la tendance à accepter d’être assisté, cela dédouane encore plus les parents à s’occuper de leur aînés !

Nous avons vécu une fois une aventure tragicomique. Dès le début nous avons voulu que notre paroisse ait un secteur « diaconie » c’est-à-dire d’aide aux plus faibles. On a nommé un responsable pour les repérer et les aider un peu. Celui-ci a visité une grand-mère que nous savions maltraitée par son petit-fils. Quelques heures après, la vieille dame était dans la cour de notre maison (elle était presque impotente et avait fait un km à pied !), avec des voisins qui disaient : «  Si les Pères veulent s’occuper d’elle, qu’ils la gardent chez eux ! »
André s’est fâché rouge… contre les voisins et a, gentiment, raccompagné la grand-mère chez elle. L’histoire ayant fait le tour du village, je crois que le petit-fils n’ose plus toucher sa grand-mère. Quant à savoir si elle mange à sa faim…



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