samedi 1 septembre 2012

"Concours" 13


Question : Où se trouve le malaise dans le compte-rendu, résumé mais exact, de la cérémonie ci-dessous ?

Je me trouvais dans le village de brousse de Ndekesha et je fus invité à la remise de diplôme de l’école supérieure locale : L’ISTM, Institut supérieur de techniques médicales, qui forme les infirmiers supérieurs capables de tenir des services hospitaliers ou des dispensaires de village (les simples infirmiers sont formés à l’ITM, de niveau inférieur).

Voici le compte rendu de la cérémonie telle que je l’ai vécue de mes yeux et de mes oreilles.

1. Chant de l’hymne national :
1…2…3… Debout Congolais,
Unis par le sort,
Unis dans l'effort pour l'indépendance,
Dressons nos fronts longtemps courbés
Et pour de bon prenons le plus bel élan, dans la paix,
O peuple ardent, par le labeur, nous bâtirons un pays plus beau qu'avant, dans la paix.
Citoyens, entonnez l'hymne sacré de votre solidarité,
Fièrement, saluez l'emblème d'or de votre souveraineté, Congo.
2. Rapport du Secrétaire général de l’Institut
- notre comité directeur s’est réuni régulièrement toutes les 3 semaines.
-la situation financière de l’établissement est délicate car la majorité des élèves n’ont pas payé leurs taxes d’enseignement.
-comme la reconnaissance de l’école a tardé à venir du Ministère de la Santé , nous avons dû nous rendre pendant un mois à Kinshasa pour plaider notre cause. Enfin la reconnaissance est là et nous sommes fiers de pouvoir vivre notre deuxième remise de diplôme.
-malheureusement, au terme de la troisième année, seul un candidat sur les 16 a obtenu les points nécessaires et rempli toutes les conditions, les autres participeront à la session complémentaire. Cela a été dur pour le jury de ne pas céder aux pressions pour améliorer faussement cette statistique, mais il en va de la qualité de notre école.
- le cours d’informatique, prévu par le programme de la 3e année n’a pu être donné car l’institut ne dispose pas d’appareils.
- l’informatique est un grand souci pour nous, car nous devons envoyer nos élèves taper leurs travaux de diplôme à Kananga (120 km), et ce sont encore pour eux des frais insurmontables. D’où le retard de la plupart des candidats.
-les cours spécifiques de la section « gériatrie » n’ont pu être donnés car les professeurs qui s’étaient annoncés ne sont finalement pas venus. La section a été supprimée en cours d’année et les élèves transférés malgré eux dans la section « gestion hospitalière »
Etc.
3. Proclamation des résultats et remise du diplôme
- ont obtenu le diplôme avec mention très bien : néant
- ont obtenu le diplôme avec mention honorable: néant
- ont obtenu le diplôme avec mention assez honorable: néant
- a obtenu le diplôme avec mention satisfaisant: un candidat
… vigoureusement et chaleureusement acclamé par les autorités, par sa famille et les invités !
4. Chant de l’hymne national :
1… 2… 3… Debout Congolais,
Unis par le sort,
Unis dans l'effort pour l'indépendance,
Dressons nos fronts longtemps courbés
Et pour de bon prenons le plus bel élan, dans la paix,
O peuple ardent, par le labeur, nous bâtirons un pays plus beau qu'avant, dans la paix.
Citoyens, entonnez l'hymne sacré de votre solidarité,
Fièrement, saluez l'emblème d'or de votre souveraineté, Congo.


Solution du dernier concours
Qu’est-ce que c’est :
QQQQQQ88888887I0UUUUUUUUUUUUUUUUZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZ74444§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§§3
Ce sont les traces du nouveau chat de la communauté marchant sur mon ordinateur.
Une de mes nuits de juin fut blanche, car une souris (grise) s’était introduite quelque part dans ma chambre (noire), faisait des bruits de grignotage et pas moyen de l’en déloger, car je n’arrivais pas à la repérer. Quand je bougeais elle ne bougeait plus et inversément. Guerre des nerfs. De plus le plafond de nos chambres est en aggloméré léger et le bruit des souris sous le toit résonne de façon incroyablement pénible, surtout entre 3h et 4h du matin ! Nous avons donc résolu d’avoir un chat. Des sœurs amies nous ont donné un de leurs chatons, qui s’acclimate bien, est adorable, fait les yeux très doux et donc est mal élevé. 
Mais il semble déjà poursuivre les souris et s’en régaler. Offert par les Carmélites, on attend encore un peu pour savoir s’il ou si elle s’appelle Carmelo ou Carmela !

La réponse la plus originale (si ce n’est la plus juste) est celle de Sabine à Basse-Nendaz :
« Le Père Guy Luisier s'est endormi sur le clavier de son ordinateur en épluchant les nouvelles de Suisse. L'info dans notre pays est parfois d'une lassitude, d'une platitude anesthésiante 88888888888888 en comparaison au monde mouuuuuuuuuuuuvementé tout autour de nous ... ZZZZZzzzzzz ... bonne nuit ...
 Avec tout mon respect ainsi que beaucoup de plaisir à vous lire. Meilleures salutations du Valais… »
(ça c’est sympa. merci Sabine !)

vendredi 31 août 2012

Nos tomates



Fils d’agriculteurs-vignerons, j’ai passé mon enfance, avec mes frères et mes parents dans les vignes et dans les tomates. Dans les étés de mes quinze ans, j’ai cueilli des tonnes de tomates dans la plaine du Rhône. Cela forge le caractère et c’est un point fort de mon éducation. (merci papa, merci maman !)




C’est ainsi que la récolte de mes premières tomates africaines m’a réjoui. Notre potager va son bonhomme de chemin même s’il ne suffit pas à notre subsistance et a fortiori à notre autofinancement. Il nous faudra encore du temps et des saisons pour qu’il devienne vraiment rentable. Mais voir pousser ses propres fruits et légumes a quelque chose d’exaltant. Les plants de tomates, nous les avons vu grandir, on a installé des surélévements pour que les branches et donc les fruits ne s’abîment pas par terre.
Puis le moment est arrivé. L’autre jour, la première tomate a pris une allure un peu orangée. Je savais que c’était bientôt la cueillette, car mon expérience d’enfance me fait savoir qu’il faut les cueillir juste avant qu’elles soient vraiment rouges. Les tomates doivent atteindre leur pleine maturité à la cuisine, entre la cueillette… et l’assiette.

J’ai ramassé ma première tomate. Une petite ! (ici on cultive des tomates à peine plus grosses que des tomates cerises et elles ne sont pas en grappe.
En revenant, au milieu des amarantes (deuxième plantation de l’année) et des aubergines (bientôt mûres, patience !), l’aide-jardinier m’a annoncé que notre premier ananas était mûr. Il est un peu petit, mais c’est le nôtre et c’est quelque chose !

PS
La saison des pluies est arrivée, d’un coup au soir de la Saint Augustin. Avec elle, il faudra planter le maïs et les arachides ; mais on attend la deuxième grosse pluie, la première étant là pour imbiber le sol aride. L’aventure agricole de la communauté de la colline va continuer. 

jeudi 30 août 2012

«Au milieu de la vie, je m’en vais ! »


Media vita : «au milieu de la vie, je m’en vais ! », chante le psaume…
Le tragique destin africain mèle vie et mort, espérance et désespoir, constamment. Ce matin au lever, Nicolas nous apprend un grand deuil dans sa famille. Sa grande sœur Alice (née en 1968) qui rentrait chez elle avec sa famille à Tshikapa (300 km) après les premières messes, est décédée dans un accident de camion avec son petit garçon de trois ans, Enoch, et 8 autres passagers . Encore une terrible histoire d’Afrique avec ses routes défoncées, ses chauffeurs et ses véhicules aléatoires !


Nous avons célébré ce matin l’office des défunts : Maître et Seigneur de la vie, nous t’adorons. Il faut s’accrocher, il faut bien s’accrocher à quelque chose, il faut bien s’accrocher à Quelqu’un ! Je suis la résurrection et la vie ; qui croit en moi, fût-il mort, vivra !
Nous célébrons la messe pour cette sœur et ce neveu, ce soir au monastère des bénédictines et demain matin avec nos paroissiens de la colline.
André et Nicolas avaient prévu de partir cet après-midi pour une visite et des premières messes dans leurs paroisses d’accueil et d’études à Kinshasa. Suivant le désir de la famille et vu les aléas des deuils et des inhumations ici, ce programme n’est pas changé. Ce matin les frères iront chez les membres de la famille de Nicolas qui habitent à Kananga pour prier et s’encourager.
Au milieu de la vie, il y a la mort, les questions et l’espérance.
 
Le Christ de l’église de la colline,
par terre parce qu’en réparation !


mercredi 29 août 2012

Action « Minervales »


Je ne connaissais pas le mot minervales avant mon arrivée au Congo. Cela désigne en Belgique et dans son ex-colonie les frais scolaires pour les écoles supérieures (taxes d’inscription et d’enseignement).
Ici la rentrée arrive le 3 septembre, et avec elle les gros soucis des parents de pouvoir assumer pour leurs enfants : la minervale, les frais annexes (pour les jeunes qui étudient loin de leur famille : nourriture et logement), les uniformes scolaires (chemises blanches, jupes et pantalons bleus). Les difficultés financières énormes découragent quelques fois et la déscolarisation laisse souvent des enfants et des jeunes intelligents au bord des chemins. Cette idée m’est insupportable. Ma communauté a donc décidé de verser une goutte de solidarité dans cet océan de besoin.


Nous avons aidé les jeunes des écoles secondaires et supérieures (cette année les élèves de primaires n’auront pas de taxes scolaires à payer, et donc nous avons moins de souci pour eux !). Par contre les frais pour les plus grands représentent beaucoup de journées de travail pour leurs parents (ici sur la colline, une journée de travail aux champs vaut 1 Frs, c’est dire !)
Mais il ne faut plus rien donner aux Africains sans sueur et sans travail si nous voulons que la leçon porte à plus long terme. C’est ainsi que nous avons décidé de subventionner le travail de ces jeunes (ils sont une trentaine à avoir participé à l’action) que nous avons mis avec des outils  sur la route qui traverse la colline. C’est une route publique et fréquentée mais l’Etat ne l’entretient plus depuis longtemps, ce qui fait qu’elle va être impraticable à cause des rigoles et des fossés lorsque la saison des pluies qui s’annonce sera là.


Il faut débroussailler les bords, creuser des échappées d’eau, remblayer avec de la terre, de vieilles briques et éventuellement de la caillasse les fossés que les précédentes pluies ont creusé de façon presque inimaginables.


C’est du travail, et cela mérite salaire. Mais quant à savoir si cela sera utile longtemps pour la route, c’est une autre question, qu’il vaut mieux pas trop « creuser » (c’est le cas de le dire) si nous ne voulons pas désespérer comme pour beaucoup de choses ici au Congo…
La Route et l’Education. Si l’Etat investissait de façon massive (cet argent qu’il a, mais qui part on ne sait où), intelligente et durable dans ces deux domaines, comme ce pays irait mieux !



 PS.
Quand on lance une action, on n’est perçoit pas tous les problèmes collatéraux. Ceux-ci furent d’ordre œcuménique. Ici l’état somnolent de la paroisse avant notre arrivée a fait le beurre des autres Eglises, minuscules mais bien présentes : nous côtoyons aux alentours de notre colline des témoins de Jéhovah, des néo-apostoliques, des adventistes, des sectes du réveil…
Comme je pense qu’il faut balayer d’abord devant sa porte, notre action « minervales » s’adressait  aux jeunes, habitant la paroisse et étant catholiques (les autres n’avaient qu’à s’adresser à leur pasteur !). Et ce qui devait arriver est arrivé. Beaucoup de gens qui priaient dans les églises parallèles se sont trouvé tout à coup des attachements très forts avec l’Eglise catholique. Des parents néo-apostoliques engagés sont même venus me présenter leur enfant en disant que ce n’est pas parce que eux ne sont pas catholiques que leurs enfants ne peuvent pas l’être… Je ne m’en sortais plus…
J’ai pensé – malencontreusement – à cette phrase de l’histoire médiévale cathare : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! ». Très malencontreusement.

lundi 27 août 2012

Ocarina


Les messes africaines festives ont plutôt tendance à m’épuiser et à m’énerver ces jours-ci après toute la saga de mes confrères nouveaux prêtres. Trop de chants, trop de cris, trop de danses, trop de commentaires et de sermon, trop long !!
Je me rappelle qu’à la fin de la messe de Nicolas, j’étais épuisé et au bord de la crise de nerf. J’avais l’impression que mes voisins de sièges, le curé de la paroisse et Nicolas, en était au même point. Pas du tout, le curé s’est levé et a fait son mot qui a duré un quart d’heure et après Nicolas y est allé de son mot de remerciement qui a duré un quart d’heure. Moi j’avais une montre et des nerfs, eux avaient… le temps !
Mais bon, il y a quelques bonnes surprises et celle de l’ocarina en fut une. Lors de la première messe d’André, un oncle s’était mis au pied d’une colonne près de la chorale et accompagnait d’un air enchanteur, simple et frais, certaines parties auxquelles il donnait de la profondeur et de l’intériorité.

C’était extraordinaire. Par exemple avant la consécration, la liturgie congolaise propose une préface (prière de louange) particulière qui est chantée sur un ton élevé très modulé et où sont rappelés les bienfaits du Père et les actions de salut de son Fils. André la chantait magnifiquement bien en ténor, la foule répondait en applaudissant et chantant tuasakidila (merci) et l’ocarina laissait en écho sa petite mélodie. Parfait. Vraiment parfait.
La messe catholique et conciliaire dans ce qu’elle a de plus profond, de plus priant, de plus participatif et de plus beau. Tuasakidila. 

dimanche 26 août 2012

Chrysalide


Entre deux fêtes de première messe j’en profite pour découvrir le village de Ndekesha, ancienne mission qui connut des heures de gloire et de beauté à l’époque coloniale et qui maintenant menace ruine à chaque tournant de chemin. Je me promène avec mon confrère Nicolas pour visiter ces vestiges quand on nous annonce qu’une veuve est morte ce matin dans une maison, là-bas. On l’enterre demain.

Nous décidons de faire une visite à cette aînée dans la foi qui est partie sur son chemin d’éternité. Notre chemin nous conduit derrière l’église, derrière les ruines du couvent des sœurs, derrière un lycée décrépit, derrière un mur qui s’effiloche… Là le curé de la paroisse a fait construire deux masures très simples pour accueillir les veuves indigentes qu’il soutient avec ses fidèles comme il peut.
Nous trouvons des dames et leurs familles, des gens de tous âges, empoussiérés, affairés à des affaires de rien : vaisselles, cassages de noix… Pendant que mon confrère converse, je cherche le cercueil. Est-il à l’intérieur ? D’habitude l’exposition funéraire a lieu à l’extérieur, dans la cour… Je suis perplexe.
En fait le cercueil était à mes pieds. Ce que j’avais pris pour une natte roulée près de la porte, était bien le cercueil tressé et fermé par des fibres de palmiers. Et la défunte était là… Non, elle est ailleurs, me dit ma foi.
Nous avons prié un moment sur cette chrysalide monstrueuse et dérisoire, fragile et minuscule.  Il faut que Dieu existe, sinon tout s’effondre dans une poussière et un désespoir infinis.

PS
Cette aventure met des bémols à mes idées sur le respect des morts que je croyais être une qualité absolue de l’âme africaine. D’autant que plus tôt dans la matinée j’avais vécu une autre aventure qui allait dans ce sens. A la sortie de la messe, André convie sa famille et ses amis à faire une visite et une prière sur la tombe de sa maman. Pour nous rendre au cimetière, nous partons direction brousse sur un chemin qui devient de plus en plus étroit. Puis je vois, dans les ronces et les broussailles, des croix, des pierres tombales en béton. On continue encore sur une sente à peine dégagée. Et dans une petite clairière de rien, la tombe de la mamon qu’on époussette un peu en alignant de vieux lumignons terreux.
La prière est belle et digne….
Mais pourquoi donc ne pas apporter plus de soin au cimetière. C’est comme si les Africains étaient exagérément soucieux d’accompagner les défunts de leur mort au cimetière mais plus d’entretenir ce lieu du souvenir. « Les gens sont tellement pauvres qu’ils ont d’autres soucis, d’autres priorités ! » m’a-t-on répondu. Une réponse que ne me satisfait qu’à moitié. 

"Qui donc me sauvera?
L'arbre est abattu par une hache;
Je tombe dans l'eau? le crocodile!
Je tombe sur terre? le lion
Je reste dans l'arbre ? le serpent
Je mettrai ma confiance dans l'ange du Seigneur!"
(J'ai vu plusieurs de ces tableaux dans les maisons congolaises!)